samedi 18 juillet 2009

FESTIVALONS!



Quelques mots sur les têtes d'affiches féminines du festival d'Avignon et deux oeuvres dont on parle tant. Côté In c'est le spectacle de Christophe Honoré, cinéaste à la mode dans le club intello-bobos auquel nous appartenons tous sans nous l'avouer, qui suscite la curiosité des branchés! Il a choisi un drame romantique peu connu de Victor Hugo « Angelo, tyran de Padoue » qu'il met en scène avec beaucoup de clins d'oeil cinématographiques ( souvent appuyés) au théâtre-opéra d'Avignon. On salue la très belle scènographie art déco et metalo, les mouvements d'acteurs, les jeux d'éclairages e expressionistes, les glissements de plateau à défaut de caméra, les mouvements de perchistes pour capter des voix qui se perdent... Mais halte là quant aux insertions de chansons de Beaupain et aux images vidéos de la fin qui sortent directement d'un de ses possibles films.



Honoré veut-il jouer à Hugo, artiste polyvalent en son temps et arriviste de première? Cette manie de l'autocitation est fatiguante et ridicule. Honoré qui ne manque pas de talents et d'invention dans la récréation de références cinématographiques puisées dans la nouvelle vague, devrait avoir la modestie de ne pas faire de l'Honoré en permanence; En effet cette manie de laisser des indices trop évidents de sa grosse « pâte » confine à la vanité. Pense-t-il que c'est ainsi qu'on construit une oeuvre? En se prenant comme propre référence? Laissons le public choisir ce qui fait la marque d'un artiste, ses leitmotivs, sa griffe...et laissons la postérité, s'il y en a une, décider.
On saluera la prestation de Clotilde Hesme qui sait rendre moderne des répliques hugoliennes grâce à ses accents de fille de la rue, ses « waouh! Euh.., bein... » ne sonnent pas si mal en fin de compte au milieu des élans lyiques romantiques. Le texte est bien porté et elle sait vraiment émouvoir avec sincérité surtout dans le dernier acte où elle est brillante. En plus elle est magnifique avec ses allures de Louise Brooks sorti de la boîte de Pandora.



Emmanuelle Devos ne m'a jamais convaincu avec ses airs potaches et potiches, sa mine empâtée et ses intonations parigotes. Mais oublions la méchanceté et reconnaissons que quand elle s'arrache de ses tics appris dans le nouveau ciné français, elle peut atteindre de vrais moments d'émotions et donner son meilleur.En conclusion un spectacle « must see » grâce à une super-production et une bonne équipe ( le rôle masculin remarquablement tenu par l'argentin Martial Di Fonzo Bo), mais qui représente tout à fait la mentalité de cette classe artistique dominante, convaincu de ses choix et de ses goûts.





Côté frime on a la totale dans le Off avec un compère de Christophe Honoré, Diastème, romancier cinéaste, dramaturge ( que de titres usurpés!) qui met (si peu) en scène sa bonne copine la fille à papa Emma de Caunes dans une oeuvre de son cru « L'amour de l'art » au théâtre du Chêne Noir qui nous avait habitué à de meilleures programmations..
Avec un titre aussi ronflant et convenu, on aurait dû être rassasié. Mais non! La pièce porte sur une actrice jouant Marilyn Monroe à la fin de sa triste existence, et tombant amoureuse pour se distraire du mignon éclairagiste. S'en suivent deux heures de scènes mêlant la guimauve au comique boulevardier, entrecoupées de monologues accablants de Emma perruquée en Monroe qui larmoie dans son magnétophone et son gin. Comment peut-on être si ennuyeux et si terne et embarquer producteurs, comédiens et publics dans un pareil naufrage? Par amour de l'art, probablement. A-t-on déjà dit à la jolie De Caunes que sa voix est insupportable, surtout quand elle singe la blonde hollywoodienne, poupoupidou! Tout est consternant de platitudes et clichés dans l'écriture de l'argument et des dialogues, la mise en scène est d'une absence de timing inquiétante pour une comédie romantique, et les jeux de mise en abyme théâtrale sont soulignés d'un gros trait de rouge à lèvres de blonde fatale. La salle est pleine et je suis le premier de tous les crétins d'être allé voir ce navet peroxydé et d'en parler encore ici.
Pour se consoler, rien de mieux qu'une simple image:

jeudi 16 juillet 2009

ETREINTES LITTERAIRES



Dans la paresse et la chaleur estivales, lire est une activité à la fois rafraîchissante et tonique.C'est avec délectation que je parcours, comme on gambade, le « Dictionnaire égoïste de littérature française » de Charles Dantzig. L'auteur, lecteur vorace, réagit avec érudition, finesse et un certain sens de la provocation, aux oeuvres majeures ou méconnues de la littéraure française, disserte avec ironie ou passion sur des auteurs phares ou plus obscurs ou encore analyse avec une légèreté feinte des thèmes littéraires et des questionnements de fond sur l'art d'écrire. C'est brillant, iconoclaste, irrévérent et très instructif.

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Morceaux choisis:
« Colette est un ventre. En un mot elle est dégueulasse. L'instinct, le lascif, le genre femelle, le gourmand succèdent au mutin, ces pages pareilles à des draps froissés tachés de semence ou de croissant au beurre. »
« Yourcenar meuble ses livres en style Louis XVIII. Antithèses, douches de points-virgules, imparfaits du subjonctif appliqués, latinismes, périodes. Ses roman sont froids comme une maison de campagne un vendredi soir de Février. »
« Gide est un chat. Contemplatif. Sans coeur. Non qu'il soit méchant, il est neutre. Presque ataraxique. »
Sur les dandies: «  Ils ont une revanche de chic à prendre. Le dandysme est fils de la honte. Elle fait les dandies se hisser sur les talonnettes d'un génie imitatif qui se croit singulier. Ce sont des originaux stériles et je connais peu de sorts plus tristes. Ayant accédé à la panoplie, ils sont généralement incapables de rien d'autre. »



Autre lecture à laquelle je me rends tardivement faute de fréquenter les librairies françaises, celle de l'américain Daniel Mendelsohn qui signe « L'étreinte fugitive » titre magnifique dont on a beaucoup parlé l'an dernier. Il s'agit d'une sorte d'essai autobiographique, de récit introspectif sur « la grammaire de l'identité ». Helléniste, descendant de juifs persécutés et émigrés aux Etats-Unis ( voir Les disparus prix Médicis 2007 du roman étranger), gay de Chelsea, francophile en exil, cela fait pas mal de marques distinctives de la marginalité ou de signes d'élections, c'est selon...
Ainsi l'ouvrage décline tous ces thèmes bien éclectiques mais bien mis en écho, le goût pour les langues anciennes, la culture du ghetto ou de la communauté, les morts exhumés et les garçons désirés, la paternité, les histoires de famille ou de cul, le sexe et la mort.. C'est parfois ennuyeux (l'incipit est assommant de même que la généalogie familiale), parfois passionnant pour l'ex prof de lettres classiques qui dortprofondément en moi( les analyses étymologiques grecques, la réflexion sur la tragédie, les rapports établis entre l'amour de l'antiquité et l'amour des garçons) parfois bouleversant ( la réflexion sur soi, sur le « connais-toi toi même », l'angoisse du désir, des fantômes familiaux, le souci de la postérité avec l'enfant adopté...). On sent que Mendelsohn s'adresse de manière pédagogique à un public américain, dans ses explications un peu basiques, même si son lectorat doit surtout être français. Il parle beaucoup de rencontres sexuelles furtives; de collections de corps musclés et de visages, mais trop allusivement de sentiments et d'histoires d'amour. Peut-être réserve-t-il cela pour un troisième opus? Celui qu'il annonce est consacré à son amour pour la France, qui le lui rend bien.

Morceaux choisis:

« Etre quelqu'un qui désire l'amour, mais aime aussi le désir. »
« (les bars de rencontre sexuelle) ...dans ces endroits, vous pouvez connaître des plaisirs païens, les plaisirs de la vanité et de la multiplicité , le plaisir à chercher le visage qui hante votre imagination, flottant au loin, au bord des choses, le visage de la beauté et de l'impossibilité, celui dont vous savez que vous ne pouvez pas tout à fait l'avoir, à l'instant même où vous cherchez à l'atteindre, traversant les corps qui vont avec les visages, retombant sur vous-mêmes, encore et encore. »



mercredi 15 juillet 2009

IVRE VIVRE, ANNA PRUCNAL




Au festival d'Avignon je croise des chanteuses ( Jane Birkin présentant son film à Utopia, Caroline Loeb tractant pour son spectacle) et je ne vais finalement pas au théâtre!
Vingt ans après l'avoir découverte je réussis à voir Anna Prucnal sur scène, dans la petite salle intimiste du Petit Louvre. Qui est Anna Prucnal? Pour résumer, une chanteuse et actrice polonaise exilée en France depuis près de 40 ans. De descendance aristocratique, gitane et juive (sic!) elle a travaillé pour la scène et l'écran pour des noms aussi prestigieux que Fellini, Vadim,Wadja, Deville, Lavelli, Planchon, Barrault etc... Son époux le poète et metteur en scène Jean Mailland lui écrit des textes magnifiques déclinant les thèmes de la révolte, la passion, la folie, la nostalgie et l'exil qu'elle mêle dans ses albums à ceux de Brecht, Pasolini, Maïakovsky... Sa voix est une des plus belles que j'ai jamais entendues :gutturale, profonde, éraillée, roulant des r et partant vers des hauteurs déchirantes,lyriques. Une de ces voix slaves par définition qui charrie des histoires, des folies, des mystères et des cris extrêmes. Sa beauté et sa présence, son don d'elle-même l'ont conduite sur les scènes du monde entier.



Mais les fées qui président au destin des chanteuses sont parfois cruelles. Retrouver la Prucnal dans une salle de 85 places au milieu des 1000 autres spectacles du festival d'Avignon, c'est la voir confrontée à une autre forme d'exil, celui des petites productions qui tiennent à si peu, de la chaleur accablante de l'été qui fait ruisseler les artistes et s'éventer un public pressé de courir à un autre show. Mais la Prucnal est là, survivante et dégoulinante, avec son poète de mari récitant sur un fauteuil des «  contre-chansons » avant qu'elle ne lui arrache le micro pour s'abandonner à ses propres hymnes. Car dès qu'Anna chante on est dans la célébration. Sa voix est encore là qui murmure, caresse ou lacère. Elle s'arrache les tripes pour faire survivre son art, son ménage,son coeur, sa vie. Le récital, il faut l'avouer, a quelque chose de pathétique, d'émouvant, une dimension qu'on craint testamentaire. Je retrouve les accents des enregistrements du récital 88 sur les plus emblématiques comme « Les voleurs de joie », « Ivre vivre », «  la fou de la forêt »...



On pense à Barbara ou Piaf dans les derniers concerts, le corps détruit, la voix arrachant ses derniers effets, mais la force vive et intacte, la foi et le plaisir d'interpréter toujours présents. Le récital a des côtés décadents; le piano unique qui accompagne évoque les cabarets de Kurt Weil; la chanteuse désolée d'avoir vieillie et minaudant parfois, salue avec la grâce et le désespoir des tragédiennes. On est ému mais pas forcément pour les raisons que l'artiste espère. L'émotion naît de ce que la vie et l'art de Prucnal font corps une fois de plus dans les difficultés de l'âge, des combats quotidiens pour se produire, du lent et inexorable déclin qui nous incombe à tous et contre lequel elle lutte sous les projecteurs. C'est beau aussi d'être là avec ses textes et sa voix et d'offrir un spectacle qui n'est plus celui des grandes années de gloire, mais qui a le charme de l'authencité et les éclats d'un crépuscule.
A la fin je joue les midinettes absolues et vais baiser la main de Madame Prucnal avec qui je trinque à la vodka qu'elle offre aux spectateurs attardés. Elle me regarde étonnée de voir quelqu'un d'encore jeune parmi son public de nostalgiques de son âge et me dit « la nouvelle génération? ». Quant elle apprend que je vis à Buenos-Aires elle insiste pour que j'aille y saluer sa soeur qui s'y est établie comme beaucoup de Polonais. On rêve ensemble de la voir sur une scène portègne chanter des tangos! Je la quitte heureux du récital et de la rencontre, avec l'envie de finir le verre de vodka et de chanter ma nostalgie « avant qu'elle ne m'étouffe, avant qu'elle ne me bouffe, jusqu'à mon dernier cri »





http://www.youtube.com/watch?v=-A8PCDoA7yA&feature=related

lundi 13 juillet 2009

LOS ABRAZOS ROTOS



Le titre du dernier Almodovar « Les étreintes brisées » a en français des résonances raciniennes. Il est vrai qu'il s'agit d'une tragédie ibérique pur sang avec passions impossibles, triangles amoureux, machine infernale de la vengeance et coups du sort imparables. Le tout traité selon l'esthétique rococo du maître qui ne se prive de rien. On le sait c'est un Almodovar moyen mais cela ne signifie pas qu'on nage dans le médiocre, loin de là, car un film moyen avec un réalisateur aussi doué, c'est toujours riche, dense et captivant.


Certes on peut lui reprocher de se répéter, de s'auto-citer, de se regarder dans un miroir cinématographique et de s'y trouver le plus beau, de varier infiniment sur les mêmes thèmes comme le handicap, l'attachement,la drogue, la mise en abyme du film dans le film etc... cela reste un bel exercice de style de la part d'un artiste qui a fait ses preuves (mais on demande toujours à un artiste de faire ses preuves) et qui se donne le plaisir, confortable, de se faire et nous faire plaisir.



Plaisir d'abord avec Pénélope Cruz, aussi sublimée dans le glamour que mise à mal plastiquement pour de grands moments d'interprétation. La scène où elle se demande si son vieil amant couché sur le lit après l'amour est mort ou dort, est une perle d'humour et de gravité mêlée où l'actrice donne toute la mesure de son talent. Comment reprocher à Almodovar d'être amoureux de sa Pénélope si nous le sommes tous?



Plaisir avec des moments d'une créativité totale et d'une grande force dramatique: celui où Lena vient annonçer à son mari qu'elle le quitte en post-synchronisant la vidéo muette par laquelle celui-ci l'espionne: théâtralité maximale, jeu avec les écrans, inversion du face à face dans une scène qui se révèle être la projection inconsciente des angoisses du personnage... tout simplement génial.

20 secondes suffisent pour un grand moment de cinéma: ENFOCAME!
lien http://www.youtube.com/watch?v=WXiLC_fVbk8

Plaisir enfin pour tous les moments Almodovar, constitués d'éléments de dialogues, de clins d'oeil, de dispositifs de décors ou accessoires infinis, de jeux de caméras, glissements, cuts ou angles de vue insolites, le tout fondu dans la musique soyeuse et solennelle du fidèle Alberto Iglesias. ( mention spéciale au magnifique titre «  A ciegas » de Miguel Poveda pour le générique auquel toute la salle a assisté religieusement ce qui est rare)
Plaisir des acteurs tous beaux et justes, dirigés avec précision et absolument crédibles.
Plaisir des références aux grands classiques, Rossellini, Pasolini avec Oedipe aveugle à Lanzarote (quels paysages bouleversants!).



Plaisir de voir l'auteur s'interroger sur des préocupations nouvelles, la mémoire dans un film essentiellement construits sur un flash back, la paternité et la transmission, la filiation artistique, l'héritage... même si las madres y las mujeres al borde, ne sont jamais très loin.
Tous ces petits plaisirs ne font pas un grand film, mais ils constituent un puzzle passionnant et à la recomposition duquel on se laisse attraper (comme Diego qui recollent les photos déchirées des souvenirs de son père réalisateur à la fin). Film « brisé », fragments d'un discours d'amoureux du cinéma, cette oeuvre est une mosaïque aux pièces manquantes ou mal recollées mais ce sont justement les brisures et les « grietas », les fêlures et les déchirures du coeur et de l'écran que Pedro veut nous faire aimer.


dimanche 12 juillet 2009

ITE MISIA EST



Misia, chanteuse de fado portugaise, livre un double album en demi-teinte « As Ruas ». Ces rues sont celles de Lisbonne dans le très réussi premier CD « Lisboarium » tiré de son spectacle aux Bouffes du Nord, et les rues labyrinthiques d'autres cités du monde comme autant de voies empruntées par la chanteuse.

Si « Lisboarium » enchante c'est parce que Misia y fait du Misia, cet élégant métissage de tradition fadiste et d'avant-garde poétique, d'hommage aux grands noms et styles du fado et d'ouverture à d'autres influences ou avatars. Le second opus « Tourists » devrait s'intituler « Capharnaum » tant l'éclectisme le plus surprenant y règne. Misia cherche à y démontrer une versatilité que nul ne lui demande d'arborer, ou bien elle semble se livrer à des escapades égoïstes dans des registres qu'elle prise et sur lesquels elle n'a pas toujours de prise précisément. Flamencos à la Camaron de la Isla, rancheras a la Chavela Vargas, rock alternatif Joy Division, chanson française, mélodie turque, enka japonaise... ouf! Dans ce grand carrousel des musiques cousines lointaines du fado, on attrape vite le tournis. Certes il y a de jolis moments comme la mélopée stambouliote ou la ritournelle napolitaine, mais il faut subir l'invitation de la mère Jaoui Agnès qui vient Barbariser et les arrangements étranges sur du Dalida ou du Chico Buarque. Dans ce grand Bazar on perd vite ses répères et on a vite la saudade du fado. C'est peut-être là l'objectif secret de cette production bicéphale: on en revient toujours fatalement au fado.

Misia lance son châle-filet et récolte une pêche rarement miraculeuse de perles baroques pour le plaisir irrégulier du fan que je suis. Elle me fait penser à Sapho ou à Dufresne ou à Lemper, autre trinité que je peux adorer selon les albums. Ces chanteuses par peur de radoter dans leur langue vont souvent jouer les tours de Babels aux quatre coins sonores de la planète musicale. Moi je les préfère en sirènes arrimées à leur rochers comme des huîtres et que leurs chants soient continus, délicieusement monotones, condition sine qua non de l'envoûtement.



http://www.youtube.com/watch?v=XX-doGMynpg&hl=fr

dimanche 5 juillet 2009

LATINIDAD AL DESNUDO


Marcos Zimmermann est un des photographes argentins les plus réputés pour ses paysages de Patagonie et de Salta en noir et blanc. Le voilà qui s'attaque aux corps de ses compatriotes sud-américains qu'il expose dans leur nudité complète dans son exposition et ouvrage "Desnudos sudamericanos".
Des paysans, pêcheurs, ouvriers, artisans, mecs de la rue se sont prêtés au jeu ( moyennant finance probablement) et ont accepté de poser nus dans leur environnement professionnel ou domestique. Argentine, Uruguay, Pérou, Brésil... les physionomies masculines les plus variées, de tous pays et de tous âges, se dévoilent et s'affichent avec naturel et franchise selon l'esprit du photographe qui cherche à montrer la réalité nue et à faire apparaître à travers la multiplicité de ses "hommes réels " le véritable et unique homme sud-américain qui les synthétise. Un homme marqué par la misère, la lutte, la dignité souvent bafouée...


Sur le plan esthétique les photos sont très réussies et d'un réalisme souvent plus poétique voire exotique-érotique, que réellement politique. Cependant je suis gêné par la charge homoérotique inévitable de certains clichés, non pas en tant que telle, mais parce qu'elle côtoie un propos qui se veut celui d'un portraitiste social et engagé revendiquant la dignité dans la misère et l'exploitation.
N'y a-t-il pas dans toute démarche photographique une dimension de voyeurisme et d'exploitation du modèle qui va à l'encontre du propos universaliste et libérateur du projet de Zimmermann? N'avons-nous pas ici un photographe bourgeois sud-américain très conscient de la manipulation érotique à laquelle il se livre parfois et du vol d'image auquel inévitablement il procède, en train couvrir sa démarche moralement ambigüe de belles intentions politiques? Déshabiller des hommes souvent misérables ( aucun portrait de bourgeois ni de types de la classe moyenne) et les exposer au nom d'une idéologie sociale pour servir sa gloire professionnelle est une attitude se rapprochant aussi de l'exploitation dénoncée au départ. Ethique et audace artistique ne fonctionnent pas toujours ensemble hélas ou du moins pas synchroniquement. Certes tous les grands peintres du passé ont aussi exploité leurs modèles, prostitués pour la plupart et en ont extrait des chefs d'oeuvres. Il faut que le temps passe pour emporter les êtres réels qui tombent sous le regard de l'artiste et les transformer en archétypes ou icones.


Fort heureusement les clichés sont souvent d'une grande beauté tant par la composition directe et frontale que par la force délicate du traitement de la lumière. Les hommes, beaux ou laids, vigoureux ou détruits, nous font face et nous interrogent avec leur histoire, leur fierté et leurs souffrances qui se lisent sur leurs corps directement. On s'incline devant la perfection esthétique du travail photographique mais si on fait la moue face un projet douteux ou en tout cas polémique.



samedi 4 juillet 2009

LARMES AMERES


R.W Fassbinder était aussi un homme de théâtre avant de devenir le cinéaste culte qu'on connaît et qu'on a retenu. C'est ce que nous rappelle la pièce "Las amargas lagrimas de Petra Von Kant" qui se joue au théâtre Beckett de Buenos-Aires, tous les vendredi à 23h.
Au sein d'un univers exclusivement féminin règne la superbe Petra, styliste reconnue et femme de pouvoir. Il suffira que son chemin croise celui de Karin, jeune fille un peu paumée et assez vulgaire pour que tout l'édifice narcissique de la belle Petra s'effondre sous les coups d'une passion fatale. Qu'est-ce qui conduit la grande dame Von Kant à abdiquer devant les charmes et les incohérences d'une "petite pute sordide" sinon la dépendance sentimentale et l'attachement maladif auxquels elle s'abandonne, corps et biens ? Encore une fois Fassbinder s'intéresse à décrire la chute d'un individu, le jeu des attractions désastreuses, la déchéance dans ce qu'on ose encore appeler "l'amour" mais qui n'est plus qu'une obsession destructrice.


"Each man kills the things he loves" chantonne l'égérie Ingrid Caven à la fin de la pièce, qui sans jamais se référer directement au film joue avec de nombreux clins d'oeil à la dimension cinématographique de la pièce (laquelle évidemment fut adaptée pour l'écran par Fassbinder en personne). La mise en scène de Sergio Grimblat a su tirer partie des atmosphères intimistes et étouffantes de la chambre de Petra qui devient en cinq tableaux le lieu d'écroulement de toute une vie. De subtils éclairages, une sonoplastie qui tombe avec une précision dramatique parfaite, encadre la fine direction d'actrices. Si chacune correspond par son physique et son style à l'imaginaire fassbindérien, chacune apporte aussi par le biais de la traduction en castellano, sa charge locale de dramatisme porteño et de féminité argentine. C'est que le drame du temps qui passe et de la quête frénétique des derniers plaisirs avant l'amère nuit est hélas universel...