vendredi 3 juillet 2015

GIDE rencontre LEHNERT ET LANDROCK


Photographie Sébastien Paul Lucien

 L'aventure photographique de LEHNERT ET LANDROCK mêle différents termes en -isme difficiles à manipuler : orientalisme, pictorialisme, colonialisme, érotisme et mercantilisme…
Pour en savoir plus eux voir le SITE OFFICIEL
et le beau catalogue "LES NUS" Lehnert et Landrock
Galerie d'art de Nicole Canet "Au bonheur du jour"

Difficile aussi de juger à l'aune du politiquement correct et de la bonne conscience contemporaine le regard empreint de domination blanche et masculine que certains sujets européens pouvaient clandestinement porter sur ces beautés dites "exotiques", ces corps beaucoup trop juvéniles pour être objets de la moindre exploitation sexuelle mais pourtant déjà exposés dans les sérails-prisons de Tunisie, d'Egypte, d'Algérie… Les images cependant témoignent de cet écart entre les cultures et les époques et de leurs rapprochements subversifs, dérangeants. La concupiscence rébarbative qui les caractérise cède quelquefois la place à une "grâce accidentelle" qui semble échapper aux sinistres conditions de leur production. On songe aux rêveries arabisantes de Delacroix, au voyage en Orient de Nerval, Flaubert et plus tard Wilde ou Bowles… et inévitablement à la catabase méditerranéenne du narrateur de L'immoraliste d'André Gide.


Ma récente relecture de ce récit-confession me renvoie à ces clichés de L&L qui illustrent assez bien le climat moral et passionnel dans lequel évolue le protagoniste. L'immoraliste est une oeuvre singulière, unique en son genre pour son époque, sur la reconquête de soi, le sursaut libérateur après l'expérience de la maladie. Toute rédemption passe par la conscience et l'acceptation de sa singularité. La ferveur farouche qu'on doit appliquer à se réconcilier avec une vie réellement vécue traverse ce récit sans autre concession que le respect, la douceur et la générosité dus à autrui. 
Grâce à l'écriture de Gide, à sa retenue classique et son étonnante discrétion même dans l'impudeur, le récit procède sur le fil du rasoir, celui de la sincérité toujours soucieuse d'équilibre même dans les passages les plus vertigineux. 

Morceaux choisis et hommage photographique personnel avec le premier cliché ci-dessus.


"Ainsi j'atteignis vingt-cinq ans, n'ayant presque rien regardé que des ruines ou des livres, et ne connaissant rien de la vie; "

Photographie copyright Editions Nicole Canet "Au bonheur du jour"
couverture du catalogue "Les nus masculins"

"C'était pour la première fois, la conscience de ma valeur propre : ce qui me séparait, me distinguait des autres, importait ; ce que personne d'autre que moi ne disait ni ne pouvait dire, c'était ce que j'avais à dire."


"Je ne peux, dit-il, exiger de chacun mes vertus. C'est déjà si beau si je retrouve en eux mes vices"

Photographie copyright Editions Nicole Canet "Au bonheur du jour"

"Ce que l'on sent en soi de différent, c'est précisément ce que l'on possède de rare, ce qui fait à chacun sa valeur; et c'est là ce que l'on tâche de supprimer. On imite. Et l'on prétend aimer la vie."


"Je m'étais mis debout dans la voiture pour causer avec le cocher. C'était un petit Sicilien de Catane, beau comme un vers de Théocrite, éclatant, odorant, savoureux comme un fruit"






Photographie copyright Editions Nicole Canet "Au bonheur du jour"

"Rien ne décourage autant la pensée que cette persistance de l'azur"