lundi 31 janvier 2011

LE FIL


Un film de Mehdi Ben Attia. Plutôt que de parler ici de certains défauts de ce film, je dresse la liste des bonnes raisons de le voir ( c'est l'été et mon jugement critique est au rabais!):

- Claudia Cardinale dans un rôle enfin à sa hauteur, une mère méditérranéenne castratrice et aimante, superbe sous le fard des années.


- les deux acteurs principaux, l'élégant Antonin Stahly et le ténébreux Salim Kechiouche qui bien qu'encore une fois réduit à un rôle exotico-érotique, joue admirablement.
- les paysages de la Tunisie, la mer, les villas, la campagne, le luxe oriental dirait Baudelaire
- des seconds rôles bien pensés, drôles et attendrissants
- le courage d'aborder des thèmes délicats en Europe et inconcevables en Tunisie



- la bonne idée du fil imaginaire qui rattache le protagoniste à son passé et à sa culpabilité
- la chanson "Come una bambola" que j'adore... à redécouvrir dans la bande annonce:
http://www.youtube.com/watch?v=bHSIkFD4S54&playnext=1&list=PL062A55A38F1AE333

- ce mélange d'érotisme et de tendresse sous le soleil qui est irrésistible
- la dimension merveilleuse à la "conte des mille et une nuits" du happy end... c'est bon de rêver et de quitter les mélodrames réalistes quand il est question d'amour interdit. Mettre en scène un rêve un peu naïf d'acceptation et d'amour c'est une manière de le rendre " évident" aux yeux de ce qui le croient impossible.
- Salim Kechiouche ( bis repetita placet)!

LA LANGUE DE L'AUTRE


"Ne prenez pas un amoureux étranger. S'il vous quitte, chaque fois que vous entendrez sa langue, par surprise, vous recevrez un coup au coeur. Un compatriote est moins malfaisant, à cause de la neutralité de la langue commune, qu'on ne remarque pas plus qu'une brise. Une langue maternelle, c'est du vent. Elle permet d'éviter d'éprouver en permanence : on en mourrait d'épuisement."


Encyclopédie capricieuse du tout et du rien

CHARLES DANTZIG

dimanche 30 janvier 2011

LES AMOURS IMAGINAIRES



Xavier Dolan est beau, hyper doué, précoce, acclamé par la critique... il a tout pour irriter mais comme il est aussi plein d'humour et qu'il n'a que 22 ans, on est prêt à tout lui pardonner.

Son second film Les amours imaginaires, plein de charme, est cousu de références au cinéma qu'on aime ( Cocteau, Truffaut, Godard etc...).


Deux amis, un garçon et une fille, sont obsédés par un troisième, sorte d'Endymion cool, qui joue au pervers narcissique, attise, séduit et ne se donne jamais. Ce qui intéresse Dolan, c'est le processus de la passion qui embrase les deux amoureux éconduits, les rend obsessionnels, jaloux, furieux, désespérés, ridicules... Bref le purgatoire habituel de l'amour non réciproque y est décrit avec des dialogues percutants, des chansonnettes sentimentales, des images pop pleines d'invention et très soignées.


On se laisse prendre a ce petit jeu nous aussi, bien embobiné par la pellicule que Dolan sait mixer et dérouler pour nous. Oui, il y a des moments too much, des citations trop appuyées, une envie d'être génial trop vite ( mais l'excès de rapidité caractérise un certain génie). Ce ne sont que d'adorables défauts qui donnent leur prix à cet ouvrage prometteur.


BO du film "Les amours imaginaires", mais ne serait-ce pas un pléonasme?
http://www.youtube.com/watch?v=6gCPIof4kNQ

mardi 25 janvier 2011

UN MONSTRE TRES DECORATIF


En me procurant la biographie de Madeleine Castaing par Jean-Noël Liaut, je comptais lire les aventures d'une femme de goût, d'une affranchie en avance sur son temps, d'une artiste authentique. C'était elle le mécène inspiré de Soutine ( qu'elle accapara, exploita et abandonna), l'amie raffinée de Louise de Vilmorin et de Jean Cocteau ( qu'elle amusa et lassa), la fine compagnie du five o'clock tea que recherchaient Sagan, Malraux ou Jouhandeau...


Il suffit en fait de quelques chapitres évoquant les débuts de cette jeune fille de bonne famille délurée pour deviner quel monstre d'égoïsme va naître de ce personnage-là. Mariée à la sauvette à quinze ans à un Marcellin dont elle fera le principal banquier de ses onéreux caprices et qu'elle érigera en grande passion de sa vie ( après elle-même et l'argent), on voit vite apparaître la mondaine ambitieuse et blasée sous les grands chapeaux de roseaux, obsédée par sa gloriole personnelle, cultivant une vanité furieuse sous des dehors de crises de fantaisie et d'insolence factice. La suite de cette biographie qui s'évertue en vain à nous faire aimer cette héroïne sans vertus et qui ne peut éviter de révéler ses failles et ses noirceurs en dit long... le livre m'en tombait des mains de répulsion.


Opportuniste à en crever et dévorée d'ambition, elle voulut être de toutes les fêtes et surfer sur toutes les modes pour décrocher tous les pompons dont elle s'entichait régulièrement ( les années folles, Montparnasse, Saint-Germain des Prés etc...). Entourée d'amis intimes particulièrement tordus, torturées ou tortionnaires ( Maurice Sachs, cet infâme, la pauvre Violette Leduc, et le jeune François-Marie Bannier déjà à ses bonnes oeuvres avec sa première vieillarde dorée), elle est l'incarnation d'un vide intérieur maladif, qu'elle s'acharnera à meubler de rencontres intéressées, d'opérations commerciales douteuses, de divertissements vains, coûteux et anecdotiques sensés alimenter sa légende de grande extravagante, amie des arts et des gens de goût.


Elle est en fait la pseudo-artiste par excellence, la bourgeoise près de ses sous et de ses meubles baignant dans un vernis poétique et toc qui va s'écaillant inexorablement. Il faut toujours se méfier des collectionneurs et des marchands, des courtisans et des parasites, des originaux et des infatués: la Castaing était tout cela est bien pire encore. Mais elle amusait, étonnait, choquait, animait les bals du siècle et alimentait par ses frasques la chronique mondaine qui pardonne tout aux impertinents et aux clowns artistiquement grimés. Bagatelles!
Les clichés qui suivent illustrent malgré tout un certain style Castaing de qualité qui a indéniablement marqué une époque et qui semble être tout ce qu'on puisse sauver de cette triste dame. Il faut bien de temps en temps que les artficiers éblouissent pour se faire une place dans la ville lumière. Mais qui peut vivre plus de quelques jours dans des décors aux moquettes panthère, encombrés de meubles Second empire, de porcelaine de Saxe et de tapisseries de vieilles tantes anglaises?




Elle sut mettre tout son talent dans ses maisons et sa conversation... oeuvres éphémères promises à la ruine et à l'oubli et qui ne sont destinées qu'à charmer ou à flatter. Certain diront, parodiant Wilde, qu'elle mit tout son génie dans sa vie. Les dessous de sa biographie suggèrent que ce génie était souvent mauvais. Et les gens qui n'aiment que les bibelots finissent par en devenir un, dans ce cas de type mallarméen :" Aboli bibelot d'inanité sonore."


BEAU TRAVAIL


Guidé par le sillage de Billy Budd, je tombe sur "Beau Travail", film de Claire Denis, inspiré du récit de Melville, brillamment transposé en Afrique dans le corps de la Légion Etrangère.
De corps il est en effet question dans cette oeuvre qui les saisit dans toute leur splendeur virile et militaire et les sertit dans le cadre spectaculaire d'un désert de poussière volcanique au bord de la mer turquoise et de lacs de sel.




Ce film presque muet, si ce n'est le récit interne d'un personnage, fonctionne par séquences hypnotiques, chorégraphiques, dans lesquelles sont exaltées le physique et l'éthique des légionnaires peints comme de véritables héros, fragiles et farouchement invincibles.








Chacune de leurs activités ( s'exercer, se raser, manger, simuler une attaque, construire une route, aller au bordel...) y est présentée comme un rituel spartiate et exaltant propre à la condition militaire où régnent les codes d'une obéissance et d'une soumission monocales.





Denis Lavant et Grégoire Colin y jouent une confrontation éternelle entre le mal et la vertu, scandée par les airs lyriques de l'oeuvre éponyme de Benjamin Britten les chants de la Légion. et quelques tubes de dancing tropicaux.





Claire Denis filme avec âpreté et rigueur le dépassement de ces hommes de toutes origines ethniques et sociales, confrontés à la dureté d'une institution qu'ils chérissent et à la cruauté fascinante d'un continent africain où ils ne sont jamais que des icônes errantes et marginales. Du très beau travail, incontestablement.



lundi 24 janvier 2011

CHOSES VUES à PARIS...


A peine quelques heures passées sur la capitale et juste le temps de glâner quelques images, de hanter les rues en hiver puis de décoller pour l'hémisphère Sud et son été ardent.
LA CANTATRICE CHAUVE et la Leçon de IONESCO au théâtre de la Huchette. Le classique de l'absurde dans la salle où il fut crée il y a 51 ans dans sa mise en scène originelle. Impeccable!


EXPO à la Maison de la Photographie, sur l'Extrême. Notion vague qui permet de sortir des images de tous bords du riche fonds de la collection et d'admirer de superbes tirages de Irving Penn, Richard Avedon, Nan Golding, Larry Clark mais aussi d'artistes moins connus et surprenants...





Visite du Musée Nissim de Camondo près du Parc Monceau. Somptueux hôtel particulier d'un banquier originaire de Constantinople qui réunit une fabuleuse collection de meubles et objets de décoration du XVIIIème siècle pour laquelle il fit spécialement concevoir cet écrin. Ambiance proustienne garantie : on s'attend à voir descendre Oriane de Guermantes du grand escalier à tout moment.



Film BRIGTH STAR de Jane Campion sur les amours malheureuses du jeune poète anglais Keats et d'une ravissante jeune fille à la mode qui troque les fanfreluches et les rubans pour les lacets cuisants des passions impossibles. Scénario classique sur le rythme des saisons sentimentales. Interprétations subtiles des jeunes acteurs. Images bouleversantes de romantisme anglais comme on n'ose pas avouer qu'on les aime!




mardi 18 janvier 2011

SARAH DE LA LUNE


Une après-midi lumineuse à l'hôtel Campredon, centre d'art de l'isle-sur-la Sorgue. Dans cet élégant hôtel particulier provençal se tient une exposition de l'oeuvre photographique de Sarah Moon " Si jamais".


" Si jamais... à partir de la réalité l'imaginaire a pu créer une fiction qui la dépasse et donner à voir ce qui est crédible... alors tout ceci a existé.
Cela date d'hier ou d'aujourd'hui, peu importe, je l'ai vu de mes yeux vu. La preuve je l'ai photographié. "


Ancienne mannequin et photographe de mode (pour couturier, magazine, publicité, vidéos..) on sent souvent que traînent dans ses oeuvres des voiles d'esthétisme facile encore accrochés à cet univers. Quand elle réussit à ne pas tomber dans la belle image et le beau vernis du chic poétique, Sarah Moon produit des visions sombres et étranges, teintées de nostalgie qui baignent dans un onirisme inquiétant.



Entre le conte de fée, le fantastique anglais, la fantaisie bohème et mélancolique, elle sait suggérer des ambiances et évoquer des fantômes avec une touche aussi lunaire que son nom d'emprunt.







Quand elle sort des impressions en noir et blanc magnifiquement traitées dans des tirages vieillis et brumeux, elle sait être aussi une admirable coloriste, vibrante, explosive, vitale. Créatrice de fictions et d'atmosphères, ses photographies sont des fragments de contes ou de films oubliés, tels ceux que l'on peut visionner dans l'exposition.