"Poésie de cinéma" ainsi Cocteau nommait-il ses œuvres pour le grand écran. "Le sang d'un poète" mérite cette étiquette à plus d'un titre. Film précurseur du cinéma surréaliste, (même si Cocteau fut honni et piétiné par la bande à Breton qui organisait des commandos pour en saboter les projections), il s'élève par sa grâce et créativité bien au dessus des réalisations de Buñuel et Dali souvent engluées dans les pesanteurs doctrinaires et la misogynie navrante de leur époque.
Cocteau ouvre dans cet opus une série de portes sur le rêve, la création poétique, le fantasme, l'enfance, les paradis artificiels, l'androgynie... qu'il sut décliner dans la plupart de ses autres œuvres. Son sens de la théâtralité, ses talents de plasticien, sa magie du verbe ajoutent aux charmes de cet objet cinématographique. On y découvre une exploration très avant-gardiste des obsessions de son créateur avec des moyens techniques certes très limités mais que rehausse un génie du trucage artisanal. Statues vivantes, plaies parlantes, traversées de miroirs et rencontres avec l'étrange.... toute la mythologie de Cocteau glisse à la surface de la pellicule comme une boule de neige ou un jet d'encre renversant un dormeur aux yeux grands ouverts sur sa propre nuit.