samedi 23 octobre 2010

FEUX



"Feux" de Marguerite Yourcenar est un recueil de nouvelles et aphorismes, d'une haute intensité poétique. Fruit de ses amours contrariées lors de son errance méditérranéenne avec André Fraigneau qui la dédaigna, cet ouvrage hyper-intimiste évite pourtant l'écueil de l'obscénité autobiographique car son auteur a su philtrer et distiller les poisons de sa douleur et son extase amoureuses dans les plis et drapés des récits mythologiques fondateurs.
Les fables sur Phèdre, Achille, Phédon, Antigone offrent au talent de l'érudite Marguerite les canevas impeccables de leurs intrigues et la trame chatoyante de leurs thématiques sentimentales. Eros, Thanatos, Pathos et Oneiros croisent leurs destinées grâce à des mythes réécrits dans une prose poétique étincellante. La concision et l'éclat de chaque phrase évoquent l'art des ciseleurs antiques et des céramistes grecs: tout est contrastes, fulgurances dans la formule, virtuosité dans l'entrelacs des références, originalité dans les touches de modernité apportées à ces grandes figures patinées par le temps.
On sent l'influence bénéfique d'un Cocteau qui avait mis au goût du jour ( années 20) les nouvelles Antigones et les néo-Orphées. Le lyrisme amoureux, teinté d'un pessimisme pascalien, se rattache lui à la grande tradition des poètes mystiques, San Juan de la Cruz ou Santa Teresa de Avila. C'est une Yourcenar jeune, blessée, incandescente et réduite en cendres qui apparaît dans ce recueil et qui telle un phénix puise dans l'écriture la flamme nécessaire pour ressuciter et restituer aux lecteurs le souvenir et le goût du feu.




SAPPHO: "Elle est née dans une île, ce qui est déjà un commencement de solitude."




"Il faut jouir d'un être pour avoir l'occasion de le contempler nu."


" Qu'il eût été fade d'être heureux!"


"L'amour est un châtiment. Nous sommes punis de n'avoir pas pu rester seuls."



"Nous péchons parce que Dieu n'est pas. C'est parce que rien de parfait ne se présente à nous que nous prenons les créatures."


"Je suis près du noyau mystérieux des choses comme la nuit on est quelquefois près d'un coeur."




"Toute douleur à qui l'on s'abandonne se change en sérénité."


"Il n'y a pas d'amours stériles. Toutes les précautions n'y font rien. Quand je te quitte, j'ai au fond de moi ma douleur, comme une espèce d'horrible enfant."




"Il n'y a pas d'amour malheureux: on ne possède que ce qu'on ne possède pas.

Il n'y a pas d'amour heureux: ce qu'on possède, on ne le possède plus."
"Solitude... je ne crois pas comme ils croient, je ne vis pas comme ils vivent, je n'aime pas comme ils aiment... Je mourrai comme ils meurent."

1 commentaire:

St Loup a dit…

Merci de cet hommage. Et bravo pour les images. Elles sont magnifiques.