mardi 3 février 2009

DEUX RECITS



Uruguayo enraciné à Buenos-Aires, Juan Carlos Onetti a crée des fictions étranges autour d'une ville imaginaire Santa Maria. Dans le court récit "A une tombe anonyme" il entrecroise les narrations pour percer le mystère d'une femme enterrée à la va-vite par un jeune homme angoissé auquel l'auteur arrache une confession progressive. Qui est cette Rita qui promenait un bouc aux stations de trains de Retiro et Constitucion? Une femme perdue, mendiante, prostituée, une figure fantômatique de l'expiation, de la souffrance? Le récit cherche à cerner l'identité et le destin de cette femme qui prend une dimension d'allégorie dans la rêverie des personnages masculins qui ont gravité autour d'elle. Le lecteur finit aussi par suivre cette chimère, tel le bouc qui l'accompagne et Onetti s'en sort, malgré des circonvolutions parfois lentes, grâce à son écriture austère et sèche (!) où crépitent souvent quelques illuminations de style. Le mystère n'est pas percé mais le conte se veut un auto da fe en faveur des êtres écrasés et condamnés à l'anonymat, à l'oubli. Parler d'eux, les ressuciter dans la fiction ou l'enquête, semble pour Onetti la fonction même de l'écrivain: interroger les ombres comme Ulysse penché au bord d'un trou qui dans la "nekuia" convoque le souvenirs des visages perdus. Quand on replace cette oeuvre dans le contexte des 30 000 "disparus" que les dictatures Rio platenses ont provoqué, le travail d'Onetti prend toute sa dimension.









Avec "La robe" le lyonnais Robert Alexis nous conduit au début du XXème siècle dans une ville de garnison allemande où un jeune lieutenant trop délicat va se trouver aux prises avec de mauvaises fréquentations. Une belle italienne, un soldat trop troublant, un aventurier richissime qui semble être Lucifer en personne, vont conduire le jeune homme sur le chemin de sa vérité. Sur ce chemin se trouve précisemment une robe qui ne sera pas destinée à une femme.



Robert Alexis construit sa petite narration comme Balzac et la stylise comme Zweig tout en y ajoutant les nuances d'un regard plus libre et plus moderne que ses deux illustres prédecesseurs ne pouvaient s'autoriser. Conte moral, récit d'initiation à la fois sensible et ironique, on se laisse charmer, voire troubler par les questions l'écrivain soulève. "Chaque homme porte en soi son "point de retenue" ; voilà ce qu'il lui faut découvrir afin de se libérer."

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