Comédien remarqué sur la scène underground et le théâtre d'auteur depuis sa prestation brillante dans "El niño argentino" du génial Mauricio Kartum, Mike Amigorena a été propulsé en un an comme vedette branchée et cool grâce à une telenovela super populaire. Son mélange d'arrogance et d'inculture assumée est heureusement compensé par un vrai tempérament d'acteur et un charisme indéniable qu'il cultive à coups de looks androgynes et glam pop qui bousculent assez les clichés du macho argentin. Après avoir occupé la une de tous les magazines people, revenir sur scène dans un "unipersonal" comme on dit ici, version locale de "La nuit juste avant les forêts" de Bernard-Marie Koltes est une gageure qui mérite qu'on s'y attarde.
L'oeuvre est dure, âpre, monologue sans concession sur la solitude, le racôlage et l'angoisse. Dans la salle le public, féminin surtout, est là pour les beaux yeux de Mike et ne s'attend pas à recevoir en plein visage un texte contemporain ( mais plutôt des sms sur les écrans sans cesse clignotants de ses téléphones portables). Pour faire passer la pilule, la mise en scène joue les effets de surprises et les coups de choc: projections lumineuses raffinées, piano dramatique super insistant en musique de fond, cris perçants, bruitages agressifs, histoires de réveiller les midinettes endormies par la logorhée décousue de l'homme seul sur scène.
A-t-on seulement compris que ce mec se tient la nuit aux abords des bois ( et aux abois de tous bords) comme un prostitué, ou qu'il y pratique la drague homosexuelle? Non, la traduction a gommé toute ambigüité sur le texte pourtant sans équivoque (mais certes comme tout bon texte transposable et polysémique) du sombre et flamboyant Koltes. Il n'est pas question de payer sa place dans un théâtre chic pour y voir le fantasme numéro un argentin jouer un rôle interlope qui alimenterait la rumeur rose qui lui colle à la peau et jusqu'au bout de ses ongles ostensiblement vernis...
Amigorena de son côté, soucieux de captiver et de plaire ne peut qu'en faire trop, portant un texte qui le dépasse et que le public ne comprend pas, il court dans sa cage, danse, chante en français, rue dans les brancards et déploie tout son talent pour montrer qu'il est un acteur, un vrai. Mais un tel déploiement d'effets spéciaux et d'histrionisme ne fait qu'alourdir et embarasser la pièce.
Jouer sans micro, ni piano, avec plus de retenue et de nuances, dans une salle plus modeste, avec un public plus averti aurait peut-être été une solution de facilité. En tout cas le talent de l'équipe et de l'acteur aurait été plus vérifiable. Ici, face au public du samedi soir de Corrientes, habitué au stand-up et aux pièces commerciales, le texte tombe à plat.
L'oeuvre ambitieuse qui a voulu se faire plus grosse qu'un boeuf nous gonfle vite. Même le plus chéri et doué des jeunes acteurs n'a pas assez de charme pour conduire où il veut un public paresseux, impatient et qui découvre vite qu'on ne peut pas zapper Koltes comme ça!
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