samedi 20 mars 2010

DU CÔTE DE CHEZ ZWEIG



Je suis allé faire un tour du côté de chez Stefan... comme on va visiter un vieil ami en étant sûr d'un accueil merveilleux. Ses petits romans et ses longues nouvelles laissent des bleus au coeur et on se demande qui a su mieux saisir les soubressauts de l'âme passionnée dans cette Europe de l'entre-deux guerres. Quel sommet que cette pensée européenne entre Vienne, Paris, Berlin... et quelle chute épouvantable dans un gouffre qui a dû paraître encore plus immensément sombre et obscur à la sensibilité si aigüe de Zweig, qui n'y survécut pas du reste malgré sa fuite au Brésil où il se suicida.



C'est à la faveur de la publication d'un inédit paru en 2009 que je reviens à lui avec bonheur et familiarité."Le voyage dans le passé" est du pur Zweig comme on l'aime: psychologue immergé dans les émotions, analyste passionné des sentiments, prosateur épousant les contours du temps et de la mélancolie.
La construction de cette nouvelle de 100 pages, à l'allemande, est un petit bijou de maîtrise narrative. On nous y rappelle combien le temps transforme l'amour et change les désirs, combien il est inutile de vouloir rattraper des fantômes. Les ombres d'Orphée et d'Ulysse traversent ce récit nostalgique, celui d'un impossible retour, celui du "Don't look back"...

Un homme aime une femme, leur amour est impossible, il voyage, il tente d'oublier et la retrouve dix ans après pour essayer de tout recommencer... une sorte d'éducation sentimentale à la Flaubert.




"Il n'est pas dans la nature humaine de vivre, solitaire, de souvenirs et, de même que les plantes, et tous les produits de la terre, ont besoin de la force nutritive du sol et de la lumière du ciel, qu'ils filtrent sans relâche, afin que leurs couleurs ne pâlissent pas et que leur corolle ne perdent pas ses pétales en fanant, ainsi, les rêves eux-mêmes qui semblent éthérés, doivent se nourir d'un peu de sensualité, être soutenus par de la tendresse et des images, sans quoi leur sang se fige et leur luminosité pâlit.C'est ce qui arriva aussi à cet être passionné, sans qu'il s'en aperçût..."




Les photos illustrant cet article sont extraites du magnifique film de Max Ophüls, tiré de "Lettre d'une inconnue" du même Zweig avec une bouleversante Joan Fontaine et un séduisant Louis Jourdan dans une réalisation toutes en finesse.



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