"Je fus autrefois touché d'un puissant déplaisir selon ma complexion et encore plus que puissant ; je m'y fusse perdu à l'aventure si je m'en fusse fié à mes forces. Ayant besoin d'une véhémente diversion pour m'en distraire, je me fis, par art, amoureux, et par étude, à quoi l'âge m'aidait. L'amour me soulagea et me retira du mal qui m'était causé par l'amitié. Partout ailleurs de même : une aigre imagination me tient ; je trouve plus court, que de la dompter, la changer ; je lui en substitue, si je ne puis une contraire, au moins une autre. Toujours la variation soulage, dissout et dissipe. Si je ne puis la combattre, je lui échappe, et en la fuyant je fourvoie, je ruse ; muant de lieu, d'occupation, de compagnie, je me sauve dans la presse d'autres amusements et pensées, où elle perd ma trace et m'égare"
Montaigne Les Essais
Livre troisième
Chapitre IV "De la diversion"
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