Truman Capote son compagnon de boires et déboires, disait d'elle qu'elle était "une radieuse enfant". Son mari Arthur Miller parlait de son cas comme " la rencontre d'une pathologie individuelle et de l'appétit insatiable d'une culture de consommation capitaliste: un mystère, une obscénité..." Comment comprendre Marylin?
Faut-il plaindre Norma Jean, fille de père inconnu et d'une mère devenue folle, ballotée d'orphelinat en famille d'accueil, violée, battue, abusée par les types de toutes espèces, inconnus de passage, amants célèbres, maris démunis, producteurs vampires, présidents mafieux...
Faut-il célébrer la blonde légendaire au teint laiteux, à la grâce inouie, à la chair lumineuse, l'actrice émouvante pétrie par l'Actor Studio, la lectrice passionnée de Freud et de Dostoievsky, la chanteuse sucrée à la voix languide, la femme solitaire résistant contre tous les démons d'Hollywood, l'argent, le sexe, la décadence?
C'est sur certaines de ces questions que l'essayiste et romancier Michel Schneider se penche dans son ouvrage intitulé "Marylin, dernières séances". Qu'elles soient de cinéma ou de psychanalyse, ces séances sont celles où Marylin se livre dans toutes ses complexités et ses troubles. La relation ambigüe que celle-ci tissa avec son dernier psychanalyste le célèbre Ralph Greenson est au coeur de l'ouvrage qui se veut une investigation psycho-biographique composée selon un découpage cinématographique fait de rewind, arrêts sur image, cuts et recoupages significatifs. On y explore à la fois les bas-fonds de l'industrie hollywoodienne et les abîmes moraux dans lesquels gravitaient les protagonistes de cet univers d'artefact. La psychanalyse et le cinéma menaient de dangereuses liaisons et se nourrissaient l'un de l'autre dans des rapports sado-masochistes où toutes les pathologies mentales entraient en jeu.
"En réalité sans le savoir, mais en le désirant violemment, Ralph Greenson entra avec l'actrice dans une de ces attractions fatales auxquelles les intellectuels se livrent avec un abandon d'autant plus grand qu'ils croient rester les maîtres du jeu. Ils ne connaissent d'ennemi que l'ennui et lorsque l'étoile blanche traverse son ciel inaltéré, ce fut une distraction inespérée dans la monotonie de sa pratique. L'étonnement est une des formes les plus délicates du plaisir et la damnation la quête la plus raffinée du malheur." (...)"La blonde vaporeuse et le docteur des noirceurs, quel couple!"
Schneider, hyper-documenté sait recréer avec précision l' univers scintillant et sordide qu'est Beverly Hills ravagé par l'épidémie de psychanalyse. Marylin le traverse comme une allégorie pathétique et irrésistible, une luciole frénétiquement attirée par les feux de la rampe qui seront le bûcher de son autodestruction, un ange alcoolisé et hébétée de tranquillisants qui chanterait "aime-moi ou tue-moi" sans jamais obtenir de satisfaction.
Passionnant, dense, circonvolutoire, le livre gagnerait en intensité avec moins de digressions sur l'entourage de la star et plus de focalisation sur sa relation avec le psychanalyste fou, laquelle appelle davantage à l'écriture fictionnelle qu'à l'esthétique fragmentée du document.
Il y a là de quoi écrire le plus beau film dans lequel Marylin aurait joué son grand rôle,le sien.
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