Une chanteuse allemande vivant à New-York et chantant en français dans une synagogue du quartier chinois de Buenos-Aires... voilà de quoi surprendre et donner le tournis identitaire! Tournis enchanteur quand il s'agit de Ute Lemper qui accompagnée d'un seul piano fait revivre dans sa voix les anges et démons de Berlin, sur les ailes de Brecht et Weill. Phénoménale dans sa virtuosité qui la fait aller de la chanson réaliste de cabaret poisseux aux vocalises du jazz le plus échevélé. Fascinante de par sa silhouette de sylphide, mi femme fatale emplumée d'un rouge boa, mi clown expressioniste sous son chapeau melon noir. Epoustouflante dans l'interprétation polyglotte et "multi-émotionnelle" de "Nanna's Lied", "Youkali" ou "September song" subtilement marié à la gymnopédie n°1 de Satie.
Moment magique que ces chants yiddishs s'élévant dans le temple juif d'une communauté de refugiés de l'après-guerre en Argentine, annoncés par la blonde descendante d'allemands comme un geste de réconciliation et de grand pardon.
Ute Lemper est probablement la dernière artiste capable d'exercer sa versatilité musicale et linguistique dans des registres aussi difficiles et casse-gueule que le répertoire de Weill, Piaf, Brel ou Ferré. Avec une assurance souvent désarmante mais hélas pas toujours dénuée d'histrionisme, ( on la préfère dans la retenue et le less is better) elle impose son art avec un professionalisme à l'américaine et une sensibilité toute européenne, qui font mouche à tous les coups.
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