mercredi 14 octobre 2009

EXOTISME INTERIEUR



C'est une vraie joie que de découvrir une figure fascinante cachée dans les replis de l'histoire et les recoins de l'art du XXème siécle dans lesquels on pensait avoir pourtant bien fureté! Au hasard d'un petit album traînant sur la table d'une librairie je tombe sur les photographies de Claude Cahun. Tout de suite attiré par ce "bizarre qui est le commencement du beau" je suis conquis de manière fulgurante par les autoportraits et photomontages de cette créature transgenre et surréaliste qui n'accèda à une vraie reconnaissance que depuis 15 ans.



Cette amie de la troupe Breton, Desnos, Crevel, nièce de l'écrivain Marcel Schwob, est une artiste photographe et écrivaine au parcours douloureux ( mère folle, sexualité marginale,tortures sous la Gestapo, mort précoce...) qui n'a cessé d'expérimenter avec sa propre image, jouant avec les genres, masques, codes et canons esthétiques pour devenir une créature baudelairienne, dandy androgyne ou fleur du mal délisquescente.



Sa démarche, intimiste, naïve et morbide à la fois, semble tourner autour d'une relecture du mythe de Narcisse dans ses perpétuels jeux de miroirs, métamorphoses et découpages avec un grand sens de la théâtralité et de la mise en scène de soi nourri par sa fréquentation de l'avant-garde des années 20 (ballets russes, Pitoëff)



Les Queer-theries et autres studies gender se passionnent pour cet être obsédé par les variations autour d'un troisième genre, une identité "neutre" et feront certainement de Cahun leur figure de proue alors que la seule obsession de Claude fut d'aller à la conquête de ses territoires intimes et de son exotisme intérieur.



extraits de Aveux non avenus

« Je sens comme si je les voyais, mes cuisses maigrir d'une sueur de fièvre, douche parfois brûlante, parfois glacée, toujours inattendue. Mes genoux vidés, les os dissous, vêtu d'un parchemin lucide, se gonflent, flottantes vessies de porc. Mon cœur ralenti sonne un glas funèbre, puis bat bruyamment comme un tocsin. Il devient mobile, se promène dans mon ventre, y éclate en coliques profondes. À chaque secousse, une conscience tombe, pulvérisée. Peu à peu, je m'allège. Bref répit ! Mon cœur se gonfle outrageusement et s'emplit d'hydrogène. Gros ballon rouge et bleu, il monte au bout d'un fil.
À l'autre bout, c'est une guêpe enfermée, qui frappe à coups venimeux aux parois de ma poitrine. Si je l'aidais à sortir ? Et mes ongles sans hésiter pratiqueraient un jour qui guide l'échappée de ce cœur s'il ne faisait dehors désespéremment noir.
Ô nocturne sans issue qui se joue dans les cercles de la nuit musicale, infernal serpent qui s'est décapité en avalant sa queue, bracelet aux sept chaînes hermétiques... »


1 commentaire:

St Loup a dit…

Bravo pour cet article que j'ai trouvé fascinant!