SINGLE MAN le film de Tom Ford a beaucoup d'atouts pour me plaire. Une direction impeccable, une photographie très léchée, une histoire qui met en jeu mes topics préférés en littérature et en art: l'amour, la solitude, la mort, la quête d'une rédemption, le désir frustré, la littérature... Julianne Moore y rajoute sa présence solaire et Ford sa griffe experte pour le choix de chaque détail. Un peu de Visconti pour la regie, d'Almodovar pour la fluidité du montage, une musique à la Philip Glass... il a vraiment tout pour plaire ce film.
Pourtant quelque chose en moi résiste au charme et l'émotion a eu du mal à prendre. Etait-ce dû aux perturbations provoquées par les bruits irritants des mangeurs de pop-corn au cours de la première demi-heure? Je ne peux pas me rendre disponible à un film sur le deuil si le voisinage rivalise d'indiscrétion et de vulgarité, ce qui est depuis quelques années monnaie courante dans les lieux de spectacles. Un grain de maïs peut-il suffire à enrayer la belle machinerie du celluloïd fordien?
Un grain... voilà peut-être ce qui manque à ce beau film en général trop bien cousu et repassé à l'amidon. Excès de zèle d'un débutant qui, habitué à éblouir, a voulu contrôler son premier ouvrage cinématographique comme un splendide défilé de mode? Un grain de folie, un grain de beauté un peu irrégulier sur la surface blanche de la perfection, un grain de fantaisie dans le jeu de Colin Firth que je trouve d'une froideur qui va au-delà de son personnage so british.
Parfois, heureusement, le vernis craque et le film devient humain et émouvant: une danse avec la meilleure amie ivre, une larme qui coule, un bain de minuit, une cigarette qu'on allume... Ces petits moments plus lâchés, plus décousus semblent surtout des contre-points destinés à faire briller la somptuosité, un peu trop "superbe" de l'ensemble. Ce parti pris esthétisant je le comprends et je l'apprécie à sa juste valeur. Mais quand on me parle de deuil, de suicide, de désir perdu, de tentation écartée... j'attends mieux qu'un costume irréprochable et qu'un intérieur design.
Les rares fois où le film s'écarte de cette ligne d'élégance à tout prix, on sent qu'enfin Ford fait du cinéma et n'est pas en train d'exposer ce qu'il estime être l'excellence de son bon-goût et la finesse guindée de la dictature du chic dont il fut l'emblème.
Finalement ce qui manque à mon goût à Tom Ford, c'est une sensualité méditerranéenne faite de sang et de "carne tremula" dont un Luchino ou un Pedro bien latinos savent enrober leurs figurines. La passion contenue et refroidie dans une stylisation inerte est une passion qui n'existe pas, qui n'est pas visible et celà est fatal sur un écran de cinéma. Seules les preuves de passion existent etc... Question de goût en art et dans la vie.
Mais quand même, je cesse de faire l'ingrat et de bouder mon plaisir. Le film vaut le déplacement et mérite le respect. D'ailleurs, il se déplace en moi depuis sa projection, cherchant sa juste place, il tâtonne, il trottine, il trébuche un peu sur mon sens critique, mais se relève et repart à grandes enjambées pour me conquérir avec la self-confidence des grands Ford models évoluant sur la passerelle!
BANDE-ANNONCE : http://www.youtube.com/watch?v=-tCxRO67gyk
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire