dimanche 1 août 2010

CHEZ LARTIGUES


De passage en Avignon, je découvre enfin le ravissant musée Angladon qui abrite une part de l'héritage du fonds Jacques Doucet, grand couturier du début du siècle et un des premiers grands collectionneurs d'art avant Chanel et Bergé-YSL. Le musée reçoit en cet été une exposition itinérante sur l'oeuvre de Jacques-Henri Lartigues dont j'affectionne le travail depuis toujours.



Voilà un photographe dont la production photographique épouse harmonieusement le cours de la vie. Depuis les premières photos expérimentales de l'enfant dans son jardin qui sont des merveilles d'invention jusqu'aux portraits de ses muses et compagnes en passant par les fêtes à Deauville et la passion de la vitesse, toute son oeuvre est le reflet de son univers, celui d'un enfant et d'un homme gâtés par la vie et qui surent en faire un éloge éblouissant .




Son univers est celui d'un grand bourgeois, dilettante et parfois désargenté, qui déambule dans les casinos, dancings, fêtes hippiques, villas méditerranéennes comme un héros sorti d'un roman de Paul Morand. Modernité, grâce, finesse et légèreté caractérisent son style et rendent ses photographies inoubliables. Contemporain de Proust, il ne l'a jamais croisé et ne se reconnaît pas dans l'ouvrage monumentalement mélancolique de l'ex-mondain devenu ascète des Belles Lettres.


Cependant les conjonctions entre les deux artistes sont surprenantes. Même époque, même milieu, mêmes fascinations, mêmes perceptions d'impressions éphémères et sublimes, même lucidité sur le temps qui passe et que l'on fixe avec l'encre ou les sels chimiques...

Mais Lartigues serait une sorte de Proust solaire et volatile, le Proust adolescent de Balbec, le fugitif poète à l'ombre des jeunes filles en fleur.



Il est pourtant étonnant de constater à quel point certaines prises de Lartigues illustrent à la perfection des scènes de l'imaginaire proustien: la promenade le long de la digue normande, les Odettes Belle-Epoque et autres duchesses empanachées, le sillage fumeux d'une automobile de course probablement conduite par un double d'Agostinelli, le visage poupin et inquiétant d'une Albertine trop ambigüe...



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