C'est tardivement que je découvre dans la même semaine le livre de Begaudeau et le film du même nom de Laurent Cantet. Je voyais d'un oeil soupçonneux arriver jusqu'à moi, en Argentine, la vague d' enthousiasme et de critiques soulevée par les deux oeuvres.
Le livre m'a séduit tout d'abord par sa retenue, sa composition répétitive qui traduit bien l'usure produite par le système scolaire, le choix de ses échanges "oraux" transcrits avec perspicacité. Que penser du narrateur? est-il un désabusé incompétent, un résistant non purgé d'idéalisme, un type qui essaie simplement de faire face et qui y réussit ou pas? Un petit tour sur le net suffit pour se rendre compte de l'animosité que soulève le personnage Bégaudeau, qualifié d'opportuniste, de fossoyeur rusé qui s'érige aujourd'hui en écrivain-acteur de prestige trempant dans toutes les sauces médiatiques... peu m'importe. Le livre me paraît une excellente radiographie de notre école et de notre société malade et chaque spécialiste peut y aller de son diagnostic. Le mal est là, et il y a depuis longtemps quelque chose de pourri au royaume de l'éducation nationale.
Le film quant à lui, est très habilement réalisé par un Cantet expert en direction de (non-)acteurs et en analyste précis des problématiques sociales et culturelles. Le film est un bel outil pour la réflexion, la polémique, le débat. En tant qu'enseignant il me semble "valable", tout simplement valable dans sa qualité de témoignage "particulier" et sans prétention à dogmatiser, juger, célébrer ou condamner. Valable aussi en tant que spectateur, car sur le plan cinématographique c'est un film qui captive et qui use de subterfuges de scénario et de dialogues d'une grande finesse et efficacité. Enfin émotionnellement, c'est un grand film qui nous fait partager des situations psychologiquement fortes et voire insoutenables, un film qui nous traverse par son (in)humanité. Après tout Cantet et Bégaudeau nous parlent de notre école, lieu par lequel nous sommes tous passés et sur lequel nous avons tous quelque chose à dire (même de non valable!) pour le moment présent et à venir.
Bouleversantes, certaines séquences finales: celle de la "pétasse" qui prétend lire Platon et fait l'éloge de ce Socrate qui vient questionner les gens et les perturber ( certes Bégaudeau se tricote un auto-éloge de première main!), bouleversante la mama africaine pleine de honte et de noblesse lors du renvoi de son fils, bouleversante la dernière élève à sortir pour confesser au prof épuisé que "cette année [elle] n'a rien appris, qu'elle n'a rien compris"...
Et nous qu'avons-nous compris?
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