Buenos-Aires, vendredi 13H, salle comble de 500 personnes pour voir un film sur un petite vieille française qui raconte sa vie? On comprend mieux quand on sait que la vieille dame en question se nomme Agnès Varda et que ce film qui fait courir les cinéphiles du festival BAFICI est une autobiographie-puzzle sur sa belle vie de femme qui glane et tisse des images.
"Les plages d'Agnès" est un pur enchantement. Tout y est poésie, invention, finesse, sincérité. Elle est là sur ses plages de Belgique, Sète ou Noirmoutiers où elle a marché sa vie, à reculons dans le film, et elle installe pour nous des miroirs dans le sable où se reflètent les étapes d'une vie consacrée aux autres, à les regarder, à les aimer, à les aider. La jeunesse de cette éternelle adolescente de 80 ans, fleurit dans chaque parole, chaque vision qu'elle nous propose, avec cet art naïf du bricolage, cet artisanat de l'amateure subtile qui est une vraie leçon pour tous les jeunes artistes contemporains. Avec Agnès tout déborde de vie, de couleurs, de sens et d'émotions. La pensée est sans cesse en mouvement, entre présent et passé, art et existence, soi et le monde et toujours avec ce regard mélancolique et décalé, cette folie douce qui raisonne durement.
C'est un bonheur de l'accompagner à rebours dans cet itinéraire si humain et si prestigieux quand on réfléchit aux artistes qu'elle a croisés: Jean Vilar pour lequel elle immortalisa l'aventure légendaire du TNP en Avignon, Calder auquel elle emprunta cet art de la légèreté, tous ces acteurs avec lesquels elle débuta, Depardieu, Bonnaire, Corinne Marchand, Piccoli... et surtout les équipes de cinéma, script, techniciens, décorateurs, tous filmés avec affection et respect pour ne pas oublier que le cinéma est une affaire de famille.
La famille, grande idée du film, concept large et éclaté, réalité généreuse et chaleureuse comme un grand patchwork. Parents disparus réssucités ou réinventés par l'art quand la mémoire s'éparpille, enfants naturels ou reconnus qui sont comme ces filets que l'on "maille" à la Pointe-Courte, titre du premier film d'Agnès sur les marins de Sète.
Et puis l'amour, du cinéma bien sûr, mais surtout de la vie, et d'un homme de sa vie et du cinéma réunis, Jacques Demy, fantôme lunaire et lumineux qui hante le coeur de ce film -testament ( d'Orphée ou d'Eurydice?). Si tout poème est une déclaration d'amour à quelqu'un ou à quelque chose, ce film est un doux "Mur mure" à l'enchanteur, une lamentation dans un sourire sur le regret de n'avoir pas pu vieillir et filmer ensemble. La "révélation" pudique du mal qui emporta le discret Demy, est aussi un manifeste pour la préservation de soi et la tolérance de ceux qui souffrent. Un secret de famille qu'il fallait laisser courir sur un grande plage au soleil et qui libère, avec des larmes et des sourires, comme le cinéma d'Agnès.
la bande annonce:
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