"Mais où sont les belles dames d'antan?"
Dans les années 70 et 80 trois chanteuses ont incarné l'âme douloureuse et révoltée d'une certaine chanson française: Colette Magny, Mama Béa Tekielvski et Catherine Ribeiro. Toutes les trois douées de voix profondes et brisées constituaient une sorte de lignée féminine du Blues national. Les textes qu'elles signaient, parlaient d'idéalisme et de désespoir avec la même rage et étaient tous imprégnés d'un réalisme poétique qui pouvait toucher un large public, comme ce fut le cas avec le cultissime "Melocoton" de Magny. Une chanson naïve et bouleversante, écrite avec trois mots deux notes, (c'est nécessaire et suffisant pour une grande chanson) que le vibrato de Colette rend inoubliable.Etoiles filantes et vite consummées, leurs trajectoires entre ombres et lumières témoignent aussi de la difficulté à chanter sa vérité dans un monde aussi frelaté que le show-biz. Mais aussi comment rester fidèle à un art aussi vulnérable que celui qui repose dans la voix de femmes malmenées par l'existence ou qui, c'est hélas probablement plus juste, ont malmené leur vie et leur carrière? C'est égal, car ce qui fait figure d'échec aux yeux du grand public, les pare en vérité de l' aura sombre de "celles qui avaient tout pour devenir des grandes" et qui sont demeurées des "passantes considérables" dans une bohème et une perdition toutes aussi rimbaldiennes que leur lyrisme exacerbé.
Ma découverte de Catherine Ribeiro et de son groupe Alpes remonte au début des années 90 quand la grande dame piquait des crises de folie avec les reporters de Paris-Match qui en faisaient trois pages à sensation dans le magazine. Qu'importe cette folie si cette folie se chante sur des titres comme "Elles" ou "Le manque". Le dernier concert de Ribeiro date de 2007 à Palaiseau comme on le voit dans le lien suivant où la grande Catherine n'a rien perdu de sa grâce inquiéte et torturée.
Avec Mama Béa Tekielsvki,( qui fait ici la une d'un magazine spécialisé au-dessus des grands Ferré et Regianni, ce n'est pas peu dire!) me reviennent des souvenirs de mon enfance à Avignon, dont cette anti-Mireille Matthieu est originaire. Mon père avait croisé les deux ( séparement!) dans sa jeunesse, la diva des bas-fonds avait été la meilleure amie de ma prof de théâtre et j'avais eu l'idée folle d'organiser leurs retrouvailles à la faveur de la première de notre spectacle scolaire! Je n'avais trouvé rien de mieux que d'écrire à Mama Béa pour lui demander d'apparaître en invitée surprise avec un bouquet de fleurs pour notre prof à la fin de la représentation. Après avoir reçu un coup de fil de la chanteuse en plein repas de famille, celle-ci préféra organiser une rencontre après son récital au festival Off d'Avignon. J'eus ainsi le plaisir de manger indien avec l'auteure de "les pissenlits" et de "Visages" deux bijoux que je vous propose d'écouter sur Youtube.
Plus d'infos sur le site officiel: http://www.mamabea.fr/accueil.html
C'est navrant que de pareilles artistes disparaissent de notre horizon musical et que tout soit dominé par le règne des paillettes et de la féminité factice (Zazie, Olivia Ruiz, Rose, Clarika et tutte quante). Les femmes aux voix de bébés, Ok jusqu'à 20 ans... mais ce qu'on attend vraiment c'est d'entendre les hurlements de vraies sorcières qui savent ce que c'est que d'enchanter.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire