Misia, chanteuse de fado portugaise, livre un double album en demi-teinte « As Ruas ». Ces rues sont celles de Lisbonne dans le très réussi premier CD « Lisboarium » tiré de son spectacle aux Bouffes du Nord, et les rues labyrinthiques d'autres cités du monde comme autant de voies empruntées par la chanteuse.
Si « Lisboarium » enchante c'est parce que Misia y fait du Misia, cet élégant métissage de tradition fadiste et d'avant-garde poétique, d'hommage aux grands noms et styles du fado et d'ouverture à d'autres influences ou avatars. Le second opus « Tourists » devrait s'intituler « Capharnaum » tant l'éclectisme le plus surprenant y règne. Misia cherche à y démontrer une versatilité que nul ne lui demande d'arborer, ou bien elle semble se livrer à des escapades égoïstes dans des registres qu'elle prise et sur lesquels elle n'a pas toujours de prise précisément. Flamencos à la Camaron de la Isla, rancheras a la Chavela Vargas, rock alternatif Joy Division, chanson française, mélodie turque, enka japonaise... ouf! Dans ce grand carrousel des musiques cousines lointaines du fado, on attrape vite le tournis. Certes il y a de jolis moments comme la mélopée stambouliote ou la ritournelle napolitaine, mais il faut subir l'invitation de la mère Jaoui Agnès qui vient Barbariser et les arrangements étranges sur du Dalida ou du Chico Buarque. Dans ce grand Bazar on perd vite ses répères et on a vite la saudade du fado. C'est peut-être là l'objectif secret de cette production bicéphale: on en revient toujours fatalement au fado.
Misia lance son châle-filet et récolte une pêche rarement miraculeuse de perles baroques pour le plaisir irrégulier du fan que je suis. Elle me fait penser à Sapho ou à Dufresne ou à Lemper, autre trinité que je peux adorer selon les albums. Ces chanteuses par peur de radoter dans leur langue vont souvent jouer les tours de Babels aux quatre coins sonores de la planète musicale. Moi je les préfère en sirènes arrimées à leur rochers comme des huîtres et que leurs chants soient continus, délicieusement monotones, condition sine qua non de l'envoûtement.
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