R.W Fassbinder était aussi un homme de théâtre avant de devenir le cinéaste culte qu'on connaît et qu'on a retenu. C'est ce que nous rappelle la pièce "Las amargas lagrimas de Petra Von Kant" qui se joue au théâtre Beckett de Buenos-Aires, tous les vendredi à 23h.
Au sein d'un univers exclusivement féminin règne la superbe Petra, styliste reconnue et femme de pouvoir. Il suffira que son chemin croise celui de Karin, jeune fille un peu paumée et assez vulgaire pour que tout l'édifice narcissique de la belle Petra s'effondre sous les coups d'une passion fatale. Qu'est-ce qui conduit la grande dame Von Kant à abdiquer devant les charmes et les incohérences d'une "petite pute sordide" sinon la dépendance sentimentale et l'attachement maladif auxquels elle s'abandonne, corps et biens ? Encore une fois Fassbinder s'intéresse à décrire la chute d'un individu, le jeu des attractions désastreuses, la déchéance dans ce qu'on ose encore appeler "l'amour" mais qui n'est plus qu'une obsession destructrice.
"Each man kills the things he loves" chantonne l'égérie Ingrid Caven à la fin de la pièce, qui sans jamais se référer directement au film joue avec de nombreux clins d'oeil à la dimension cinématographique de la pièce (laquelle évidemment fut adaptée pour l'écran par Fassbinder en personne). La mise en scène de Sergio Grimblat a su tirer partie des atmosphères intimistes et étouffantes de la chambre de Petra qui devient en cinq tableaux le lieu d'écroulement de toute une vie. De subtils éclairages, une sonoplastie qui tombe avec une précision dramatique parfaite, encadre la fine direction d'actrices. Si chacune correspond par son physique et son style à l'imaginaire fassbindérien, chacune apporte aussi par le biais de la traduction en castellano, sa charge locale de dramatisme porteño et de féminité argentine. C'est que le drame du temps qui passe et de la quête frénétique des derniers plaisirs avant l'amère nuit est hélas universel...
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