lundi 13 juillet 2009

LOS ABRAZOS ROTOS



Le titre du dernier Almodovar « Les étreintes brisées » a en français des résonances raciniennes. Il est vrai qu'il s'agit d'une tragédie ibérique pur sang avec passions impossibles, triangles amoureux, machine infernale de la vengeance et coups du sort imparables. Le tout traité selon l'esthétique rococo du maître qui ne se prive de rien. On le sait c'est un Almodovar moyen mais cela ne signifie pas qu'on nage dans le médiocre, loin de là, car un film moyen avec un réalisateur aussi doué, c'est toujours riche, dense et captivant.


Certes on peut lui reprocher de se répéter, de s'auto-citer, de se regarder dans un miroir cinématographique et de s'y trouver le plus beau, de varier infiniment sur les mêmes thèmes comme le handicap, l'attachement,la drogue, la mise en abyme du film dans le film etc... cela reste un bel exercice de style de la part d'un artiste qui a fait ses preuves (mais on demande toujours à un artiste de faire ses preuves) et qui se donne le plaisir, confortable, de se faire et nous faire plaisir.



Plaisir d'abord avec Pénélope Cruz, aussi sublimée dans le glamour que mise à mal plastiquement pour de grands moments d'interprétation. La scène où elle se demande si son vieil amant couché sur le lit après l'amour est mort ou dort, est une perle d'humour et de gravité mêlée où l'actrice donne toute la mesure de son talent. Comment reprocher à Almodovar d'être amoureux de sa Pénélope si nous le sommes tous?



Plaisir avec des moments d'une créativité totale et d'une grande force dramatique: celui où Lena vient annonçer à son mari qu'elle le quitte en post-synchronisant la vidéo muette par laquelle celui-ci l'espionne: théâtralité maximale, jeu avec les écrans, inversion du face à face dans une scène qui se révèle être la projection inconsciente des angoisses du personnage... tout simplement génial.

20 secondes suffisent pour un grand moment de cinéma: ENFOCAME!
lien http://www.youtube.com/watch?v=WXiLC_fVbk8

Plaisir enfin pour tous les moments Almodovar, constitués d'éléments de dialogues, de clins d'oeil, de dispositifs de décors ou accessoires infinis, de jeux de caméras, glissements, cuts ou angles de vue insolites, le tout fondu dans la musique soyeuse et solennelle du fidèle Alberto Iglesias. ( mention spéciale au magnifique titre «  A ciegas » de Miguel Poveda pour le générique auquel toute la salle a assisté religieusement ce qui est rare)
Plaisir des acteurs tous beaux et justes, dirigés avec précision et absolument crédibles.
Plaisir des références aux grands classiques, Rossellini, Pasolini avec Oedipe aveugle à Lanzarote (quels paysages bouleversants!).



Plaisir de voir l'auteur s'interroger sur des préocupations nouvelles, la mémoire dans un film essentiellement construits sur un flash back, la paternité et la transmission, la filiation artistique, l'héritage... même si las madres y las mujeres al borde, ne sont jamais très loin.
Tous ces petits plaisirs ne font pas un grand film, mais ils constituent un puzzle passionnant et à la recomposition duquel on se laisse attraper (comme Diego qui recollent les photos déchirées des souvenirs de son père réalisateur à la fin). Film « brisé », fragments d'un discours d'amoureux du cinéma, cette oeuvre est une mosaïque aux pièces manquantes ou mal recollées mais ce sont justement les brisures et les « grietas », les fêlures et les déchirures du coeur et de l'écran que Pedro veut nous faire aimer.


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