dimanche 22 août 2010

LES FLEURS DE MARCEL


Le dernier ouvrage de Diane de Margerie ,"Proust et l'obscur" a pour objet premier une étude très fine de la noirceur et de la cruauté de l'univers romanesque de cet écrivain, confiné dans l'obscurité de sa chambre. Des ténèbres jaillira la lucidité de sa réflexion poétique sur le temps, l'amour, l'art, la mémoire... Mais si la première partie de l'ouvrage de Diane développe avec charme et précision cette thématique-là, c'est la seconde partie de son étude qui a retenu mon attention, en particulier celle consacrée aux "métaphores ambigües" qui fait la part belle aux fleurs.



Comme chez Baudelaire le paradis chez Proust est un jardin "aux plaisirs furtifs", "le vert paradis des amours enfantines" peuplé d'arbres et de fleurs aux couleurs et parfums fixateurs de mémoire. En vrai poète symboliste, Proust ne se contente pas de peindre magnifiquement la flore du Pre-Catelan de Combray, mais il cherche surtout à en extraire des "essences" et faire s'exhaler tout un parfum métaphysique d'un rameau.


Au-delà des merveilleuses évocations de fleurs "absentes de tout bouquet" selon le mot de Mallarmée, et de la cueillette analytique si perspicace de Diane de Margerie, ce qui narcissiquement me fascine, c'est que les fleurs de Proust, les fleurs communes de la campagne française, sont aussi celles, modestes et bouleversantes qui ont illmuniné le jardin sauvage de mon enfance. Car j'eus la chance d'avoir un jardin, aujourd'hui aboli, semé des mêmes plantes que celles qu'adorait le petit narrateur de la Recherche : aubépines, iris, pervenches, coquelicots, boutons d'or, lilas... Je me demande où sont passées toutes ces fleurs de mon enfance, moi qui fréquente si peu les jardins, qui traînant sur le bitume des villes, ai perdu le souvenir des grandes prairies de la France au printemps. "Ici bas tous les lilas meurent" chantait la belle Céleste Albaret, certes... mais où sont les fleurs d'antan? Ici -bas quelques pétales et rameaux... morceaux cueillis.


L'IRIS
"C'est dans le secret du petit cabinet sentant l'iris que le narrateur se réfugie, à Combray, lorsque proche de l'adolescence, il supplie le destin de lui accorder un corps aimant... L'iris est consolant, charnel. Son odeur émanant des grains pendus dans la petite pièce accompagne le bouleversement de la découverte du plaisir."


LES LILAS
"Le temps des lilas approchait de sa fin; quelques-uns effusaient encore en hauts lustres mauves les bulles délicates de leurs fleurs, mais dans bien des parties du feuillage où déferlait, il y avait seulement une semaine, leur mousse embaumée, se flétrissait, diminuée et noircie, une écume creuse, sèche et sans parfum." Proust /DCSwann.



LES NYMPHEAS
"Le nénuphar devient le symbole des limites imposées à la vie, comme ces êtres qui, traqués entre deux possibilités dont aucune ne les satisfait, ne pourront se trouver eux-mêmes qu'en choisissant l'issue de la dérive. Rien de plus naturel que de voir s'épanouir le nénuphar dans le paysage d'un écrivain partagé entre l'ascétisme de l'écriture et l'errance du regard - entre la rive et la dérive."


CATTLEYAS, ORCHIDEES
"Fleurs de corsage, de chambres surchauffées, de désirs exacerbés, les cattleyas menteurs ne seront mentionnés que dans l'épisode concernant Swann et Odette. Jamais ils ne fleurissent dans le monde provincial, printannier de Combray. Est-ce par dérision, par complicité avec la désillusion de toutes ces amours qu'au lieu de l'oeillet blanc ou du gardénia rituels, Proust arbore dans son portrait par Jacques-Emile Blanche, un cattleya d'une blancheur torturée?"


1 commentaire:

St Loup a dit…

Formidable billet qui m'a fait rêver des jardins, des fleurs, de Marcel...