Avec "FADOS" Carlos Saura complète sa trilogie sur la musique et les chants issus de la tradition latine populaire et urbaine, après le flamenco et le tango. Ses réalisations du point de vue cinématographique laissent perplexes : documentaire? danse filmée? vidéo-clips? interprétations théâtralisées? Ce dernier opus est en fait une longue séquence de fados chantés par leurs interprètes filmés au plus prés dans des espaces scénarisés où des chorégraphies viennent orner la chanson, avec des panneaux lumineux ou miroitants qui font défiler des ombres, silhouettes, images de Lisboa toujours avec beaucoup de stylisation et de finesse. L'ensemble est parfois un peux pompeux ou inévitablement cliché, mais on évite la visite touristique de la ville de la saudade et finalement c'est l'interprétation du fadiste qui en ressort valorisée.
En effet c'est ce que l'on veut écouter et contempler, une voix chantant des vers déchirants mélodieusement composés, des doigts virtuoses parcourant des guitares, des visages absorbés dans la grâce ou la douleur de l'interprétation. Saura a su par moments, les plus beaux du film, privilégié ce dépouillement indispensable à l'apothéose du fado dans le coeur et le corps de l'auditeur. C'en est ainsi avec les performances de Mariza, sublime fadiste afro-portugaise dans un duo sensationnel avec Miguel Poveda (http://www.youtube.com/watch?v=IQ5CPMWMtPg&NR=1), de Argentina Santos livrant un "Vida vivida" qui est la quintessence de la saudade, de Chico Buarque magnifiquement vieilli et émouvant dans un "Fado tropical" qui est un des moments forts du film. La séquence finale dans une reproduction de casa de fado, voit se succéder les nouveaux visages du fado lisboète et donne l'espoir, la certitude que le fado est fatalement vivant et perdurera, dans l'ombre des coeurs et la lumière des tavernes d' où il est sorti à la fin du 19ème siècle, pour longtemps encore.
On regrette l'abscence de Cristina Branco, Misia, Madredeus, Maria João... et la séquence sur Amalia Rodriguez, improvisant sur une chanson nouvelle "Soledad" ne fait que rappeler à quel point un film entièrement dédié à elle seule devrait lui être consacré.
On se lamentera aussi sur un Caetano Veloso nous rejouant le cucurucucu d'Almodovar avec une voix de fausset artficielle et systématique sur le splendide "Estranha forma da vida" d'Amalia. Dispensable. Par ailleurs me paraît discutable le choix de Saura de nous montrer les ramifications du fado vers les musiques lusitanes, morna de cabo-verde, Samba du Brésil, fado-rap( ???) des périphéries urbaines, rythmes d'Angola et du Mozambique, ou rancheras avec la mexicaine Lilia Downs ( présence curieuse pour apâter le public américain qui est toujours prêt à confondre les musiques latines et à les manger à la même salsa). Ce choix est à la fois louable pour sa vision ouverte qui diversifie le film et enrichit le propos, mais il empêche le spectateur de pénétrer au plus profond de l'essence du fado, comme musique essentiellement de Lisboa, art hypnotique, vibrante, tragique et lyrique jusqu'à l'insoutenable. On aurait aimé un film plus exigent, plus radical, plus pur. Pour sentir le fado caresser sa peau et se distiller comme une liqueur dans les veines, il faut descendre au fond de soi en se laissant couler,l'oreille collée à une voix.
la bande annonce du film:http://www.youtube.com/watch?v=XdOE5ERp-s4&feature=related
en version courte: http://www.youtube.com/watch?v=gfOYIDostFA&feature=related
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