vendredi 10 octobre 2008

ENVIE DE LA BELLE PERSONNE


Vivre loin de la France contraint à découvrir des oeuvres filmiques ou littéraires avec six ou douze mois de retard selon la fréquence des voyages vers la Mère Patrie! Frustrés du plaisir de la primeur, il nous reste la consolation d'échapper à la consommation immédiate d'une oeuvre auréolée du charme de la nouveauté et de savourer celle-ci dans l'apaisement post-promotionnel! Quoiqu'il en soit, je suis trés curieux de connaître le dernier travail de Christophe Honoré qui s'attaque à ce beau monument, (conspué par l'ignorance élyséenne), pour en montrer la grandeur et la splendeur au delà des époques et des règnes. "La belle personne" est une transposition de "La princesse de Clèves" de Mme de la Fayette, chef d'oeuvre du roman classique français. On sent le film un rien bobo, mais qu'importe, les acteurs ont le prestige et le charme de leurs rôles (quoique plus vieux de dix ans pour certains). L'action se situe non plus à la cour du roi Henri II mais dans la cour du lycée Henri IV, autre type d'excellence! Honoré doit avoir le tact et l'audace de porter à l'écran toute la grâce et le raffinement de la question amoureuse et de ses complexités au dix-septième siècle comme aujourd'hui. Vraiment trés curieux de ce film! Et pour calmer cet ardent désir, il ne me reste plus qu'à me replonger dans le livre... "Jamais cour n'eut tant de belles personnes..."
QUELQUES JOURS PLUS TARD
La belle personne a été vue grâce au web, et je dois avouer que mon envie est un rien déçue.
Le film se laisse regarder car c'est un exercice de style qui rend curieux, où les acteurs sont captivants avec leur beauté adolescente et leur grâce bohème chic, où Honoré réserve toujours de beaux moments et où on est comme lui toujours un peu fasciné par cette jeunesse élégante et tourmentée des grands lycées parisiens. Seulement voilà, peu d'émotion circule, les passions des personnages traversent laborieusement l'écran, on comprend mal pourquoi tant de retenue et de tourments à notre époque pour s'aimer, (même entre élève et prof ou entre deux garçons). Et si on ne sentait percer les pressions morales du roman de Mme de la Fayette sous les atermoiements juvéniles de la jolie troupe lycéenne, on ne comprendrait rien. Honoré fait trop de contorsions narratives et psychologiques pour décalquer les enjeux de "La princesse de Clèves" et offrir une copie soignée et personnelle à la fois. De plus tout ce qui avait pu nous charmer dans ces films précédents ( Louis Garrel, la mélancolie régressive, l'amour impossible, les grandes écharpes et les cheveux en bataille, les cigarettes systématiquement allumées à chaque plan, les livres de poche intellos comme éléments décoratifs, les chansons dépressives en anglais ou français...) bref tout cela devient des tics insupportables et auto-référentiels, carrément ridicules. Honoré insiste trop pour nous dire qu'il construit de film en film, son oeuvre avec ses acteurs fétiches et son style marqué d' un manièrisme stérile et agaçant. En plus tout cela sent tellement notre époque bobo et figée sur son âge d'or adolescent que ce ne peut qu'être promis à la péremption rapide. Dans dix ans on regardera ces films en souriant coupablement sur ce qu'on s'était laissé aller à apprécier...

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