Ses livres sont souvent difficiles et à contre-courant des écritures offrant tout de suite ce qu'elles ont à nous dire. Certains pourtant se donnent lumineusement à nous, sont de captivantes invitations au voyage vers l'île de Rodrigo ou Maurice, le Mexique de Diego et Frida quand personne ne s'intéressait à eux en Europe, les déserts où des civilisations perdues prennent le visage d'une jeune fille, Etoile errante, Onitsha. Les trente premières pages de Le chercheur d'or sont probablement parmi les plus belles de la littérature. Jamais je n'avais ressenti à ce point la présence de la mer, du paysage, du climat tropical traduit à fleur de peau ou pour mieux dire à"grain de page". Dernièrement son court récit autobiographique sur son père L'africain, m'a fait retrouver ces moments de partage jubilatoire que la lecture de le Clézio ne m'a pas hélas toujours donné. Mais c'est du fait du lecteur : nous sommes face à un écrivain de cette dimension, les seuls coupables de paresse et d'aveuglement. J'ai eu la chance de le croiser en 2007, de partager même un repas avec lui après une conférence où sa modestie et sa politesse un peu britannique (via le père) m'ont autant impressionné que ses propos clairs et maîtrisés sur l'art du roman ou la défense des cultures et langues minoritaires. Un détail insolite, l'homme sobre et discret, occupé à des rencontres professionnelles, portait en plein hiver des sandalettes de cuir! Il explique dans L'africain que son enfance passée à courir dans la savane avec ses petits amis du Niger, avait libéré ses pieds de l'assujettissement à tout type de chaussure fermée. Il n'aimait aller que pieds nus, au pire en sandalettes. Démonstration au pied de la lettre de la passion de notre tout nouveau prix Nobel pour la nudité, vérité et liberté à laquelle tous les écrivains devraient nous rappeller.
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