vendredi 19 décembre 2008

PALMARES DE LA CHANSON!


Mais qu'ai-je donc écouté en 2008?
Des voix féminines avant tout comme toujours.
L'artiste qui a le plus accompagné mes heures en balades MP3 c'est incontestablement Keren Ann dont les compositions en anglais m'ont complètement envoûté! "Ending song", "By the cathedral", "Not going anywhere" furent les mélodies de mes déambulations urbaines. Sa voix enrouée et murmureuse, ses accords simplissimes mais tissés d'arrangements subtils m'ont enchanté!




Par ailleurs découverte à Prague dont elle est originaire, Marta Topferova qui vit aux USA et chante du folklore argentin "allégé"! Une voix grave et apaisée, des guitares bien latines ou flamenco mélancolique, et des mélodies de Yupanqui ou issues du domaine public chilien, andin, vénézuelien... joli métissage pour une artiste tout en nuances qui en plus en ravissante de sa personne!

http://www.youtube.com/watch?v=qbO1cu68OqcEt

Et la chanson française? Difficile de se faire une opinion tant les produits sont formatés. Il faut vraiment un coup de coeur, un coup de charme et c'est la jeune et jolie Berry qui m'a fait chavirer. Son album néo-rétro "Mademoiselle" est à fond dans l'onde "chanson poétique pour fille post-Amélie et tendance Bruni"; mais il fonctionne, il agit, il entête et ravit. Quand j'entends la voix douce et veloutée de la belle demoiselle je me plais à penser que c'est Delphine Seyrig qui chante! Une fée des Lilas qui prêche "le bonheur" et ne renie pas les clairs-obscurs d'une tristesse fondamentale. Outre un joli talent de plume, il faut souligner le soin infini apporté à la production. La petite est super bien entourée et pas une fausse note dans ce CD qui flirte parfois avec le folk, le blues, mais reste trés chanson française de qualité. Mention spéciale pour les deux dernières pistes qui sont des poésies de Verlaine, l'autre expert de la musicalité avant tout!


http://www.youtube.com/watch?v=-DktKbvx5l0


mercredi 17 décembre 2008

PALMARES 2008 / CINEMA

Fin d'année, heure de l' inventaire? Qu'ai-je donc savouré, sinon consommé, de plus délicieux et qui vaudrait la peine d'en témoigner? En vérité vu le retard sur fuseau horaire que j'ai avec les productions occidentales, je suis amené à citer certaines créations qui datent de 2007 voire avant et que je n'ai pu apprécier qu'avec un temps de retard.
Côté cinéma le film qui m'a le plus séduit et marqué cette année c'est celui partagé par toUte une génération de trentenaires,"urbains, cools et modernes", l'opus le plus abouti ( le seul?) de Christophe Honoré, "Les chansons d'amour". La musique originale peut aussi figurer parmi les pistes que l'ai le plus écoutées au premier semestre. A rajouter que ce film servit aussi de toile de fond à mon histoire sentimentale (un flop celle-là par contre!) est que j'aurai du mal à revoir certaines séquences sans penser à quelqu'un en particulier. Mais c'est cela la qualité d'un grand film, en ce qu'il vous touche dans son esthétique et qu'il ait un rayonnement sngulier dans votre propre cinéma intime.
Faute d'avoir vu d'autres productions francophones je parlerai ici du film de Valeria Bruni-Tedeschi "Actrices". Beaucoup d'a priori négatifs (préjugés?) avant de le voir, crainte d'un hyper-narcissisme bobo parigot chic, sans parler de la mafia artistico-toc des soeurs Bruni... je craignais le pire. Et fort heureusement le film m'a surpris par sa spontanéité, sa fraîcheur et son humour débridé sur les gens du théâtre. C'est l'auto-dérision un peu "trash et chartbée" de la Valéria qui la sauve et lui permet de conquérir le spectateur avec sa grâce d'actrice décalée et son minois hyper expressif. Le film s'embarque dans des délires et des fantaisies absolument réjouissants et dit en fait beaucoup sans s'apesantir sur le schizophrénique métier d'actrice et les angoisses de la femme de quarante ans! Entourée de second rôles masculins complètement cabots comme Amalric et Garrel (insupportablement monthémaTIC) Valeria s'en sort admirablement comme réalisatrice et livre un film digne du meilleur Woody Allen.

Pour ce qui est du cinéma étranger, je dois avouer que pas un seul film ne m'a vraiment convaincu... mais il faut signaler cet OVNI halluciné qu'est "The wayward cloud/ La nube errante/ la saveur de la pastèque"! Des séquences crues, oniriques, kitsch, drôles, inquiétantes pour nous parler d'une ère de sécheresse future où la pastèque cristallisera tous nos désirs et fantasmes! C'est complètement fantaisiste et véritablement fascinant! Le discours métaphoriquement tenu sur l'Eros est d'une totale pertinence et le désespoir qui baigne le fond de ce récit est si concentré que les séquences de chansons chorégraphiées apportent une détente parfaitement calculée avant de se réengager dans les méandres de cette réflexion sur nos détresses charnelles et affectives.




En Argentine, "LA LEON" première réalisation de Otheguy m'a cependant absolument séduit pour sa photographie superbe des lieux et habitants du delta de Tigre. Il s'agit d'un récit violent et sombre sur un jeune insulaire ténébreux qui affronte les zones marécageuses du désir et du machisme. Passé sous silence ici, le film circule comme la plupart des oeuvres du cine nuevo argentin dans les grands festivals indépendants et ne laisse personne indifférent.



N'oublions pas les actrices et les acteurs qui sont la principale raison pour oser sortir de chez soi et affronter les bruits, bavardages et mastications des spectateurs majoritairement grossiers des salles de cinéma. Mention spéciale pour Sylvie Testud qui en a épaté plus d'un dans la biopic de Diane Kuris (film par ailleurs trés décevant) sans grand renfort de maquillage comme la môme fardée Cotillard, mais avec cette sensibilté si aigüe dont elle a su nous régaler dans bien d'autres opus ( les blessures assasines). Oui elle était parfaite et irrésistiblement drôle et triste à la fois en Sagan!



mardi 16 décembre 2008

LES DAMES DE FRANCE (sic transit gloria mundi)

C'est chez "Sylvie coiffure" le salon de mon village où ma mère me conduisait pour perfectionner ma coupe casque à la Mireille Matthieu puis ma mèche folle à la Hervé Vilar, que j'ai découvert ce qu'on nomme aujourd'hui la presse people, sous l'enseigne de la mythique revue "Jours de France". Là dans les odeurs de laque Elnett et les bruits de bacs à shampooing, je prenais conscience de l'existence d'un univers au-délà de la vie du village, où des créatures impeccables inauguraient leurs nouvelles maisons, triomphaient à l'étranger, et vivaient des hstoires d'amour aussi improbables qu'éphémères. Les portraits des couvertures étaient toujours immenses et non pollués de titres, les visages déployaient leurs charmes au-dessus d'un nom, un prénom suffisant parfois avec ses résonnances mantriques ( Sylvie, Sheila, Caroline...) et les chanteuses, actrices ou princesses semblaient suspendre leur vol, ouvrir leurs grands yeux étonnés ou mélancoliques pour interroger au coeur des salons de coiffures et des salles d'attente médicales, le destin frustré de la provinciale mariée et vivant dans un HLM.




Grâce au site de vente de journaux anciens j'ai pu retrouver les numéros des années 70 des "Jours de France" aujourd'hui disparus.

http://journaux-anciens.chapitre.com/JOURS-DE-FRANCE/1973.html

Il faut d'abord remarquer que la sainte trinité des stars faisant la une sont Sylvie Vartan, Mireille Matthieu et Sheila, vedettes éminemment populaires alors et aujourd'hui gloires éteintes ou décadentes. Il est amusant de voir aussi que certaines stars des années 7O ont incarné l'esprit d'une époque et sont restées confites dans leur temps sans jamais pouvoir détacher leur image de la mélasse des années Giscard.







Je note la présence récurrente de l'actrice phare et intello-romantique d'alors, la superbe Dominique Sanda alors égérie des metteurs en scène les plus courus au cinéma comme au théâtre. Qu'est-elle devenue? et bien elle vit près de chez moi à Buenos-Aires depuis une bonne douzaine d'années, mariée à un philosophe porteño. Elle se commet dans quelques productions locales, je l'ai vue l'an dernier dans une oeuvre de Manuel Puig jouant une infirmière persécutée par une malade. Elle est toujours rayonnante et magnétique.







Enfin on peut se poser la question essentielle: quelles dames de France ont survécu à la tempête des années et règnent toujours en souveraines inaltérables? les plus rusées, les plus calculatrices? Celles qui ont su sortir du temps et se fixer dans le ciel imperturbable des icones? Quel est donc le secret des dames du temps jadis qui sont aussi des "femmes actuelles"?






lundi 15 décembre 2008

ELEGY POUR PENELOPE

"Poème lyrique de facture libre, écrit dans un style simple qui chante les plaintes et les douleurs de l'homme, les amours contrariés, la séparation, la mort..."

Cette définition littéraire du terme "élégie" correspond bien au projet cinématographique de la catalane Isabel Coixet qui depuis "Mi vida sin mi" semble obsédée par le thème de la mort imminente. Le film est illuminé par la présence de Pénélope Cruz et la finesse d'interprétation de Ben Kigsley, lesquels dans la fiction sont un professeur de faculté et son élève d'origine cubaine qui vont vivre un amour difficile et merveilleux. On peut parler de mélodrame pour l'intrigue digne de Love story, mais le traitement demeure assez sobre et même tout en retenue, ce qui me semble, à moi qui adore les bons vrais mélos larmoyants, un peu frustrant. Coixet veut éviter les larmes faciles mais elle échoue dans les clichés encore plus attendus et au lieu de se moucher, on baille. Le tout est ficelé dans des décors et des situations urbaines chics, beaux apparts, cafés rétros, plage brumeuse, hopital blafard etc... où on sent que la réalisatrice se fait plaisir en filmant ses plans américains: vue aérienne nocturne de New-York, verre de whisky, bac à révélation photographique sans parler des allusions trés lourdes aux clichés de la culture hispanique ( la maja nue, las meninas, Cuba et la salsa! on croirait avoir affaire à un vrai regard de gringa!). Les scènes sont hyper prévisibles, les dialogues super amenés, la narration sans surprise ou avec des coups de théâtre énormes...
Bref qu'est-ce qui rend ce film louable? Et bien la jolie réflexion sur l'amour impossible, la solitude, la vieillesse inéluctable et angoissante, la recherche du beau, la maladie comme menace suprême, la quête d'affection comme seul remède et unique position tenable dans l'existence. Tout cela est dit, suggéré, souligné parfois et on quitte la salle avec un sentiment élégiaque bien ancré dans le coeur... merci Pénélope pour cette croix!

7 BLONDES PARFAITES

Ce que l'on sait d'elles: elles sont d'un autre temps, d'autres lieux, elles n'apparaissent qu'en noir et blanc nimbées de halos blafards ou d'ombres dévorantes. Elles sont distantes et immobiles comme des sphinx et vivent sous la menace de tomber de leur socle et de se briser. Elles sont façonnées de fêlures. Interdiction de les toucher. Obligation de mélancolie dans leur regard.
LEE MILLER




MARLENE DIETRICH



MARYLIN MONROE




JEANNE MOREAU




JEAN SEBERG




CATHERINE DENEUVE





UTE LEMPER



PERDRE LA TÊTE


Il suffit parfois de lever la tête dans son propre appartement pour découvrir quelque chose d'intéressant. De regarder d'un peu plus prés les objets quotidiens pour s'étonner et voir surgir un univers. En l'occurence il s'agit d'une toile suspendue au-dessus du sofa où je paresse en ce premier lundi de grandes vacances. Depuis que je loue cet appartement meublé et décoré d'oeuvres authentiques, j'avais jeté un oeil intrigué et un peu incommodé sur la toile suivante:


Ces fillettes formant une ronde avec des militaires me donnaient une sensation de malaise. Mais quelque chose me charmait aussi dans les couleurs et la douceur des textures utilisées. Enfin je mets le nez sur la signature et je découvre le nom de G. Herazo. Un clic sur le web me permet d'identifier l'auteure de ce tableau et de bien d'autres, une certaine Gloria Herazo, colombienne et peintre reconnue , primée en son pays et en Espagne particulièrement.


Son style est un choix pictural un peu systématique: couper les têtes comme la reine d'Alice au pays des merveilles et fixer par là notre attention sur les gestes et les postures qui révèlent beaucoup de nos comportements. Herazo parvient ainsi à faire dériver la question de l'identité au-delà du visage et du regard qui font l'essentiel de l'art du portrait.


Le contenu social et politique est trés évident dans ces scènes de groupe et chaque oeuvre en dit long sur les réalités latino-américaines. Comme Botéro a systématisé l'obésité comme principe esthétique, Herazo choisit aussi une "entrée" un peu trop répétitive mais assez efficace pour éduquer notre mirada. Elle réussit à créer des atmosphères et des fictions qui ne sont pas sans rappeler un de mes peintres favoris, Edward Hopper.



Solitude, oppression, intimité et espace public, sont des thématiques que la peintre nous suggère d'explorer. Porter un regard plus curieux sur le quotidien est aussi ce qu'elle a réussi à susciter chez moi et dans ma maison.



Un choix de ses oeuvres à découvrir sur son site:

lundi 8 décembre 2008

SILENCIO! SE CANTA FADO


Avec "FADOS" Carlos Saura complète sa trilogie sur la musique et les chants issus de la tradition latine populaire et urbaine, après le flamenco et le tango. Ses réalisations du point de vue cinématographique laissent perplexes : documentaire? danse filmée? vidéo-clips? interprétations théâtralisées? Ce dernier opus est en fait une longue séquence de fados chantés par leurs interprètes filmés au plus prés dans des espaces scénarisés où des chorégraphies viennent orner la chanson, avec des panneaux lumineux ou miroitants qui font défiler des ombres, silhouettes, images de Lisboa toujours avec beaucoup de stylisation et de finesse. L'ensemble est parfois un peux pompeux ou inévitablement cliché, mais on évite la visite touristique de la ville de la saudade et finalement c'est l'interprétation du fadiste qui en ressort valorisée.
En effet c'est ce que l'on veut écouter et contempler, une voix chantant des vers déchirants mélodieusement composés, des doigts virtuoses parcourant des guitares, des visages absorbés dans la grâce ou la douleur de l'interprétation. Saura a su par moments, les plus beaux du film, privilégié ce dépouillement indispensable à l'apothéose du fado dans le coeur et le corps de l'auditeur. C'en est ainsi avec les performances de Mariza, sublime fadiste afro-portugaise dans un duo sensationnel avec Miguel Poveda (http://www.youtube.com/watch?v=IQ5CPMWMtPg&NR=1), de Argentina Santos livrant un "Vida vivida" qui est la quintessence de la saudade, de Chico Buarque magnifiquement vieilli et émouvant dans un "Fado tropical" qui est un des moments forts du film. La séquence finale dans une reproduction de casa de fado, voit se succéder les nouveaux visages du fado lisboète et donne l'espoir, la certitude que le fado est fatalement vivant et perdurera, dans l'ombre des coeurs et la lumière des tavernes d' où il est sorti à la fin du 19ème siècle, pour longtemps encore.

On regrette l'abscence de Cristina Branco, Misia, Madredeus, Maria João... et la séquence sur Amalia Rodriguez, improvisant sur une chanson nouvelle "Soledad" ne fait que rappeler à quel point un film entièrement dédié à elle seule devrait lui être consacré.
On se lamentera aussi sur un Caetano Veloso nous rejouant le cucurucucu d'Almodovar avec une voix de fausset artficielle et systématique sur le splendide "Estranha forma da vida" d'Amalia. Dispensable. Par ailleurs me paraît discutable le choix de Saura de nous montrer les ramifications du fado vers les musiques lusitanes, morna de cabo-verde, Samba du Brésil, fado-rap( ???) des périphéries urbaines, rythmes d'Angola et du Mozambique, ou rancheras avec la mexicaine Lilia Downs ( présence curieuse pour apâter le public américain qui est toujours prêt à confondre les musiques latines et à les manger à la même salsa). Ce choix est à la fois louable pour sa vision ouverte qui diversifie le film et enrichit le propos, mais il empêche le spectateur de pénétrer au plus profond de l'essence du fado, comme musique essentiellement de Lisboa, art hypnotique, vibrante, tragique et lyrique jusqu'à l'insoutenable. On aurait aimé un film plus exigent, plus radical, plus pur. Pour sentir le fado caresser sa peau et se distiller comme une liqueur dans les veines, il faut descendre au fond de soi en se laissant couler,l'oreille collée à une voix.




la bande annonce du film:http://www.youtube.com/watch?v=XdOE5ERp-s4&feature=related

en version courte: http://www.youtube.com/watch?v=gfOYIDostFA&feature=related

jeudi 4 décembre 2008

FENETRES SUR COUR

"Subtil et violent" telle est l'oxymore qui donne son titre à l'exposition présentée au Museo de Bellas Artes de Santiago de Chile. Cette formule s'adresse particulièrement bien à l'oeuvre du jeune photographe brésilien Julio Bittencourt, "Numa janela do edificio Prestes Maya" qui comme on dit en castellano, m'a particulièrement "impactado"! Il s'agit d'une installation constituée d'un mur lumineux de 2 mètres sur 2 qui éclaire comme par transparence un montage photographique reproduisant les fenêtres habitées d'un immeuble de squatteurs à São Paolo. (Pour mieux comprendre voir l'illustration plus haut.)
Tout d'abord c'est la beauté plastique de cette réalisation qui est frappante : elle mêle des clairs-obscurs suaves, jouent avec des camaieus de gris, marrons, bleus, combinent des rapports de supports/surfaces inventés par le système D des occupants qui provoquent du fait des matériaux composites que la misère impose des variétés de grains et textures inédits.


Mais au delà de cet aspect esthétique qui, sans le chercher hélas, peut être rattaché à une forme de l'arte povera, c'est l'intégration de l'être humain dans cet univers décadent et rafistolé, dans la violence matérielle de ce squatt, qui apporte une subtilité et une humanité extraordinaires. Bittencourt a demandé à chaque locataire de poser seul ou avec sa famille "asomado en la ventana" à la faveur d'une lumière matinale ou crépusculaire qui dore ces existences marginalisées. Chaque fenêtre vient ici nous proposer une fiction suspendue, un moment de vie arrêtée qui raconte la tendresse, la solitude, l'affection, l'abandon, la joie.



Le procédé n'est pas nouveau, on l'a vu utilisé au cinéma ou en littérature, mais Bittencourt y apporte la séduction et l'intensité de la mégalopole où il travaille et du contexte politique et culturel de son immense pays, le Brésil. A la fois document anthropologique et poème, cette réalisation est un véritable chef d'oeuvre de la photographie et de l'art contemporain, lequel a souvent beaucoup de mal à nous transmettre des messages de beauté, dignité, réflexion critique et d'enchantement visuel, le tout fondu dans un grand geste artistique et humaniste tel que notre nouveau siècle en réclame.


Pour "visiter" cette oeuvre consultez le site officiel de l'artiste et la page d'accueil:

mardi 2 décembre 2008

FRIDA Y DIEGO, VIDAS COMPARTIDAS

Le centre culturel de la Moneda à Santiago du Chili présente une exposition exceptionnelle sur Frida Kalho et Diego Riviera ( appréciez l'ordre de présentation, madame Frida mérite en effet la première position). C'est la première fois qu'une pareille collection d'oeuvres des deux artistes est organisée en dehors du Mexique, grâce aux célébrations du centenaire de Frida et du cinquantenaire de la mort de Riviera.
Laissons de côté les oeuvres de Diego qui me semblent très marquées par leur époque et les engagements politiques (régionaliste et communiste pour résumer) et voyons tout de suite la section consacrée à Frida. Ses toiles sont désormais familières au grand public qui a eu tant de mal à les regarder en face en raison de leur charge de violence, d'impudeur dans la douleur et les désirs, de cruauté sanguinolente et parfois même de crudité organique. Celle qu'on voulait qualifier de surréaliste ne faisait que peindre sa vision propre du réel, sa perception intense et passionnelle du monde et des phénomènes affectifs, émotionnels et oniriques qui la traversaient.





Le réalisme merveilleux empreigne chacune de ses toiles sans s'imposer à nous comme un choix esthétique ou une pause d'artiste mais plutôt comme un ressenti naturel, une traduction spontanée du réel mexicain intégrant des énérgies du paysage, de la faune et de la flore, des réalités urbaines et de la vie corporelle et psychologique.



L'exposition très bien produite permet de se confronter enfin aux autoportraits si perturbants de Frida, lesquels vous scrutent, vous "défigurent" et vous mettent en contact direct avec la femme. Comme celui-ci avec ses animaux de compagnie, ses avatars, ainsi qu'une poterie indigène. Un des autres intérêts majeurs de cette exposition est de parcourir les vitrines où sont réunis les objets d'artisanat collectionnés par le couple.


On a aussi la surprise de découvrir des tenues traditionnelles du folcklore mexicain dont elle aimait à se parer et dont certaines lui appartenaient. Il semble que les costumes éclatants et raffinés sont sorties des peintures et font circuler des fantômes dans la grande salle. Au même titre que les toiles et dessins de Frida, ils expriment la force et la beauté d'une culture qui va bien au délà de l'exotisme séduisant dans lequel notre regard étranger a souvent voulu les confiner.


Malgré la grande fanfare médiatique et la sanctification de Frida qui font rage depuis une dizaine d'années, il suffit de se retrouver face à une de ses toiles pour retrouver la femme et l'artiste dans l'évidence frappante de son génie. La violence de Frida ne tient pas à ses images trop brutales, trop marquées par le cru et le dramatisme facile. Elle naît surtout de la sincérité et de la naïveté avec lesquelles elle livre ses sensations, ses sentiments. Elles semblent expulser ses oeuvres comme des foetus: elles proviennent d'une profondeur viscérale, elles baignent dans des des humeurs vitales, et conservent une plasticité un peu répulsive, qui finit par s'imposer à nous dans sa beauté hyper-réaliste.




Cette impudeur féroce avec laquelle elle opère la fusion de l'art et de la vie fait d'elle une pionnière des conduites "autofictionnelles" qui animent depuis 30 ans le circuit artistique contemporain, arts visuels, théâtre, danse ou littérature, domaines que Frida Kalho a elle-même su inspirer et nourrir de par son oeuvre ou sa personnalité.