Centenaire Genet. On exhume, on ressucite et on ressuce les beaux textes du poète voleur de feu, qui bandent encore. Ecrit pour un trop bel assasin de 20 ans, Maurice Pilorge, "Le condamné à mort" de Jean Genet est une ode racinienne à la gloire d'un criminel trop sexy. Le lyrisme raffiné et la pornographie crapuleuse s'y accouplent en des noces obscènes et funèbres desquelles jaillissent certains des plus beaux vers de la langue française.
(...)Les matins solennels, le rhum, la cigarette...
Les ombres du tabac, du bagne et des marins
Visitent ma cellule où me roule et m'étreint
Le spectre d'un tueur à la lourde braguette.
La chanson qui traverse un monde ténébreux
C'est le cri d'un marlou porté par la musique.
C'est le chant d'un pendu raidi comme une trique.
C'est l'appel enchanté d'un voleur amoureux. (...)
L'érotisme de la marginalité trouve dans la gorge de Jeanne MOREAU, profondeur et volupté grâce à son expérience de grandes maquerelle de la tragédie. Daho, qui n'a jamais été si mis à nu et retourné que par la langue de Genet, trouve sa note rose et sombre et donne enfin tout ce qu'il avait su si bien retenir. Les arrangements musicaux sont impeccables, austères, âpres et mystérieux comme les murmures rasant les murs des cellules. Le poème de Genet y resplendit, y explose: les hautes notes poétiques qu'il atteint nous subjuguent. Il s'impose à la fois comme un hymne à la liberté et à l'amour, mais aussi à travers son éloge de l'éros carcelaire à un cri contre toute forme de répression et contre la peine de mort.