Découvert quand j'avais 20 ans, le travail de Robert Mapplethorpe m'avait bouleversé surtout par sa charge érotique , son audace morale et le formalisme glacé qu'il donnait à des sujets jamais traités auparavant dans la photographie. Aujourd'hui, être confronté au MALBA à des tirages originels réalisés par le photographe en personne, est l'occasion d'une nouvelle surprise.
Passés le charme et la surprise des corps noirs et nus, des fleurs turgescentes et des supplices sado-maso... c'est le jeu des lumières et des textures qui me frappent d'abord, la présence épidermique des modèles et l'intensité des regards qui me sautent aux yeux!
Le véritable érotisme chez Mapplethorpe, comme la dimension funèbre, ne naît pas des corps exposés, ni de l'impudeur ou de l'obscénité hiératiquement mise en scène ou esthétisée. Il provient surtout du grand degré d'intimité qu'atteignent ces photos grâce à la précision avec laquelle l'ombre et la lumière chutent sur les grains de peau, la rugosité des crânes rasés, la douceur des mèches de cheveux ou des poils. C'est cette proximité avec le corps humain, les végétaux ou les objets qui rend ce travail unique et précieux.
Il n'y a aucun motif de scandale sous nos yeux, pas plus dans un pénis que dans une fleur. Pas plus dans un visage de princesse que dans les pieds tordus d'un ouvrier du Bronx. L'effet de provocation passée et les possibles sensations de gêne, dégoût, douleur ou rire, oubliées et balayées, il reste devant nous une oeuvre paisible et solennelle qui a figé la beauté des formes en louant leur vulnérabilité, leur grandeur et leur intensité.
Et le voisinage des photographies de thèmes très différents, voulu par Mapplethorpe, est la marque d'une vision du monde où chaque chose est placée sous l'éclairage de l'universel et revendique sa noblesse et sa part de beauté.