
mercredi 8 septembre 2010
AMATEUR DE FANTÔMES

dimanche 1 août 2010
CHEZ LARTIGUES


Voilà un photographe dont la production photographique épouse harmonieusement le cours de la vie. Depuis les premières photos expérimentales de l'enfant dans son jardin qui sont des merveilles d'invention jusqu'aux portraits de ses muses et compagnes en passant par les fêtes à Deauville et la passion de la vitesse, toute son oeuvre est le reflet de son univers, celui d'un enfant et d'un homme gâtés par la vie et qui surent en faire un éloge éblouissant .

Son univers est celui d'un grand bourgeois, dilettante et parfois désargenté, qui déambule dans les casinos, dancings, fêtes hippiques, villas méditerranéennes comme un héros sorti d'un roman de Paul Morand. Modernité, grâce, finesse et légèreté caractérisent son style et rendent ses photographies inoubliables. Contemporain de Proust, il ne l'a jamais croisé et ne se reconnaît pas dans l'ouvrage monumentalement mélancolique de l'ex-mondain devenu ascète des Belles Lettres.
Cependant les conjonctions entre les deux artistes sont surprenantes. Même époque, même milieu, mêmes fascinations, mêmes perceptions d'impressions éphémères et sublimes, même lucidité sur le temps qui passe et que l'on fixe avec l'encre ou les sels chimiques...
Mais Lartigues serait une sorte de Proust solaire et volatile, le Proust adolescent de Balbec, le fugitif poète à l'ombre des jeunes filles en fleur.

Il est pourtant étonnant de constater à quel point certaines prises de Lartigues illustrent à la perfection des scènes de l'imaginaire proustien: la promenade le long de la digue normande, les Odettes Belle-Epoque et autres duchesses empanachées, le sillage fumeux d'une automobile de course probablement conduite par un double d'Agostinelli, le visage poupin et inquiétant d'une Albertine trop ambigüe...
mardi 3 novembre 2009
FRAGMENTS PROUSTIENS

"Le talent n'est pas un appendice postiche qu'on ajoute artificiellement à des qualités différentes, qui font réussir dans la société [...].Il est le produit d'une complexion morale où généralement beaucoup de qualités font défaut et où prédomine une sensibilité dont d'autres manifestations que nous ne percevons pas dans un livre, peuvent se faire sentir assez vivement au cours de l'existence, par exemple telles curiosités, telles fantaisies, le désir d'aller ici ou là pour son propre plaisir, et non en vue de l'accroissement, du maintien, ou pour le simple fonctionnement des relations mondaines."
DU CÔTE DE GUERMANTES
mardi 22 septembre 2009
FRAGMENTS PROUSTIENS (3)

"Chez le solitaire, la claustration même absolue et durant jusqu'à la fin de sa vie a souvent pour principe un amour déréglé de la foule qui l'emporte tellement sur tout autre sentiment que, ne pouvant obtenir quand il sort, l'admiration de la concierge, des passants, du cocher arrêté, il préfère n'être jamais vu d'eux, et pour cela renoncer à toute activité qui rendrait nécessaire de sortir."
A L'OMBRE DES JEUNES FILLES EN FLEURS
dimanche 20 septembre 2009
FRAGMENTS PROUSTIENS (2)

"Je me suis mieux rendu compte depuis qu'en étant amoureux d'une femme nous projetons simplement en elle un état de notre âme; et que par conséquent l'important n'est pas la valeur de la femme mais la profondeur de l'état; et que les émotions qu'une jeune fille médiocre nous donne peuvent nous permettre de faire monter à notre conscience des parties plus intimes de nous-mêmes, plus personelles, plus lointaines, plus essentielles, que ne ferait le plaisir que nous donne la conversation d'un homme supérieur ou même la contemplation admirative de ses oeuvres"
A L'OMBRE DES JEUNES FILLES EN FLEURS

lundi 19 janvier 2009
MAMAN PROUST



lundi 27 octobre 2008
SWANN IN LOVE




La grande réusite du film demeure enfin dans la mise en scène des atmosphères Belle Epoque: salon Guermantes, Hôtel Le Ritz, jardin des tuileries, intérieurs somptueux ou rococo, tous nimbés d'une lumière soyeuse et nostalgique qui n'est pas sans évoquer le propre style de Proust, autant soucieux d'un art du détail que d'une harmonie et fluidité générales. L'oeuvre cinématographique relève le défi de traduire un récit où l'analyse psychologique est dominante et réussit à restituer l'esprit de l'auteur, auquel l'hommage rendu pâtit parfois d'un excés d'esthétisme au détriment de l'ironie. Mais il faut reconnaître à la fin que c'est vraiment un amour de film et que l'on prend un bain proustien avec autant de plaisir qu'une madeleine en aurait à se tremper dans une infusion au tilleul.
dimanche 26 octobre 2008
PHOTOGRAPHIES PROUSTIENNES

Brassaï analyse avec soin les occurrences du thème photographique dans La recherche et en arrive à la conclusion que la plupart des grands moments dramatiques de la narration, tournent autour d’une photographie. Celle-ci catalyse la passion amoureuse comme c’est le cas pour les portraits de Gilberte, la duchesse de Guermantes ou Albertine, portraits que le narrateur brûle de posséder car ils immortalisent des êtres de rêves et alimentent son érotomanie mieux que les modèles vivants. Cette relation de fétichisme avec le support photographique trouve son sommet dans l’œuvre, avec la fameuse scène de Montjouvain qui révèle à quel point le sadisme et le voyeurisme sont des thèmes centraux de l’œuvre. Il est question dans cette scène située dans la première partie de l’œuvre « Du côté de chez Swann », de la fille du musicien Vinteuil qui reçoit chez elle sa maîtresse et s’adonne avec celle-ci à un jeu érotique. Pour atteindre l’extase, le rituel consiste à faire que sa compagne crache sur la photographie du père décédé, savamment disposée prés du sofa où elles s’ébattent. Scène indécente et terrible que le narrateur enfant observe par hasard et en cachette, devant la fenêtre de la chambre des filles, dans une position de voyeur absolu.
Cette pratique de voyeur sera ensuite une constante dans le récit : le narrateur observe, scrute, espionne avec indiscrétion et compulsion ses semblables qui sans le savoir prennent la pose devant lui pour l’éternité. Du voyeurisme à l’exhibitionnisme, le pas est vite franchi. Dans sa biographie sur Proust, Georges Painter raconte que celui-ci adorait exhiber à ses fréquentations les photographies de ses amies parmi les grandes dames parisiennes ou bien des membres de sa famille, et particulièrement parmi ses fréquentations, aux garçons du bordel pour homme d’Albert Cuzay ( le Jupien de La recherche) lesquels commentaient les photographies des êtres chers par des commentaires vulgaires et dégradants, répétant ainsi la scène de profanation de Montjouvain.


mardi 21 octobre 2008
IMPRESSIONS PROUSTIENNES

Mais au delà du plaisir de la citation propre à un amateur très éclairé, les abondantes références aux maîtres de la peinture classique occupent dans l’œuvre un rôle essentiel par le jeu de miroir qu’elles créent entre les époques. L’art n’est qu’un prisme, permettant de voir et de comprendre mieux ce qui relie le passé au présent, ce qui dans la contingence des évènements continus révèle l’éternité. Les chefs-d’œuvre du passé se superposent ainsi aux scènes de la vie quotidiennes pour en révéler le caractère esthétique et la dimension universelle tout en intervenant aussi comme des agents dramatiques dans l’intrigue.
Les êtres mais aussi les lieux participent de cette glorification des images. En effet les principaux territoires où évoluent la narration sont toujours des espaces sublimés par le souvenir ou le rêve et qui se synthétisent dans des visions picturales. A commencer par le mythique village de Combray pour l’enfance avec ses intérieurs en clair-obscur façon Chardin, ses jardins dignes de Monet, ses promenades au bord du fleuve de la Vivonne dont les nymphéas inspirés de Manet offre un « parterre d’eau » où le ciel changeant se reflète, métaphore parfaite de l’écoulement du temps.


La peinture est donc considérée comme l’art majeur que la littérature essaie d’égaler en précision et en transparence. Ce soin que Proust portait au raffinement et à la fluidité soyeuse de ses phrases, ce tact et ce souci du détail dans la transcription des sensations, ces touches infinies pour saisir les nuances d’un sentiment, tout cela a valu à l’auteur le titre d’écrivain impressionniste. Il est vrai que Renoir qui aurait inspiré en partie la figure du personnage d’Elstir, le peintre de La recherche, est une référence incontournable dans l’univers proustien. Comme lui, mais avec des techniques spécifiquement littéraires Proust a cherché à capturer l’instant, à fixer les vibrations lumineuses et les zones d’ombres de l’âme, les oscillations du ciel ou les intermittences du cœur. Mais au delà des images toujours fixes obtenues par les peintres, l’écrivain apporte la dimension fluctuante du récit, la perspective mouvante du temps, le vertige de l’instabilité des choses et des êtres emportés dans une narration fleuve où tout s’anime, se mêle, se confond et se désagrège. C’est peut-être du côté du cinéma qu’il faudrait alors chercher des comparaisons, chez Renoir le fils, cinéaste inspiré qui aurait séduit Proust par son usage poétique et savant des images mobiles, lui qui enfant s’adonnait déjà à des séances de lanternes magiques sur les murs de sa chambre.