jeudi 6 novembre 2008

L'ODEUR DES FLEURS POURRIES



Avant que Piaf ne condamne les chanteuses françaises à n'être que de vaines répliques, il y a eu Damia. Celle que l’on surnommait « la tragédienne de la chanson » imposa la première le noir comme parure, le halo blafard d'un projecteur comme lieu de survie et les gestes dramatiques comme langage de scène. Ses textes étaient de vrais récits souvent sombres et douloureux mettant en scène des filles perdues, des marins sans coeur et vite engloutis, des amoureuses torturées et suicidaires, bref le casting habituel de la chanson réaliste sur fond de cabaret, bordel, port et quartiers louches... Du Brecht, du Kurt Weil adapté à la rengaine populaire française avec plus de trémolos et de pittoresques. Des tangos, des mazurchas, des fados pour accordéons, javas bleu sombre et musettes éthyliques... tous les genres sont revisités par Damia qui leur contamine sa mélancolie de fin d'aprés-midi d'automne. Parmi ses chefs d'oeuvres "Sombre dimanche" de la pure dépression qui se chante, funèbre et cathartique que Billie Holiday reprit sous le titre "Gloomy Sunday"http://www.youtube.com/watch?v=ET_9N0w5p8s
"L'étranger"http://www.youtube.com/watch?v=XBCFmWmB9YE&feature=related récit d'amour dévastateur qui préfigure point par point "Mon légionnaire" de la môme Edith (la petite voleuse!).


Et puis "Tout fout le camp" hymne nostalgique et réac,"Les goélands" complainte sur les marins morts en mer, "J'ai perdu ma jeunesse" pour les bilans post relation et renoncer définitivement à aimer sur un air de tango français... Damia est la solution parfaite pour un dimanche de pluie suicidaire, à écouter avec un thé d'orties fumant, en regardant le jardin automnal d'où remonte l'odeur des fleurs pourries. "Moi je m'ennuie" chanson célèbre reprise par Dietrich, Prucnal, Lemper est peut-être une introduction désespérément raisonnable pour découvrir l'obscure et fascinante Damia.
http://www.youtube.com/watch?v=jsqO3CYOlcg

1 commentaire:

Aegidios a dit…

Très bel éloge de Damia...
Ajoutons la nonchalante fatalité de "Johnny Palmer", à écouter sur les quais déserts d'un port de commerce, seul par une nuit pluvieuse.
Superbe blog, pour le fond comme pour la forme!