Quoi de plus délicieux en une douce soirée "primaverale" que de se laisser bercer par le "violão" et la voix des muses de ce "truc nouveau" qui depuis la fin des années 50 n'a rien perdu de sa fraîcheur: la bossa nova. J'ai beau connaître par coeur tous les plus grands succès de ce genre musical pour les avoir entendus et chantonnés mille fois, je me laisse chaque fois glisser dans le hamac de la saudade et je revois mes nuits brésiliennes scintiller doucement sur fond de ciel mauve et tangage de caïpirinhas...
Chaque chanson est une "fotografia", " Eu, vôce,nos dois, jogando pela lua a beira mar..." Je revois des éclats de vie, un visage aimé penché sur le mien, des lèvres qui sussurent une mélancolie tropicale tout près de ma bouche, un soleil jeune et caressant, de la saveur dans toute chose, jusque dans les mots sirupeux ou piquants de cette belle langue: "coração, insensatez,o seu olhar,felicidade,minha namorada, toda a minha vida, pois é!..."
Quand la bossa nova joue , je sens qu'elle est mienne, que j'habite dans ses accords, qu'elle me parle et m'enchante, que tout ce qu'il y a de desafinado en moi devient harmonieux.
Je veux célébrer d'abord les voix féminines qui ont chanté Tom Jobim, Vinicius de Morais, Chico Buarque, João Gilberto, Carlos Lyra etc...
D'abord je parlerai de Silvia Telles qui est une des premières à avoir surfé sur cette vague, en portugais, en anglais aussi en donnant aux hits de Cole Porter ou Gerschiwn une couleur carioca. Il y a dans sa manière de chanter des vestiges de la chanson mélodique popularisée par Elizete Cardoso, avec ce fond de dramatisme latin qui a encore du mal à s'atténuer, mais la petite musique bossanovesque est déjà en train de faire son nid.
Un des visages et des destins les plus fulgurants et tristes de ces années-là, c'est celui de Maysa, muse mélancolique, rebelle et sensuelle, au regard charbonneux qui apporte la gravité et le trouble de son timbre à cette musique qu'on craignait trop juvénile et éphèmere. Il faut s'abandonner à cette muse inquiète qu'on comparait à Janis Joplin pour ses turbulences existentielles!
C'est cette année seulement, je le confesse, que j'ai approfondi le charme inégalable de Nara Leão, la plus subtile et la plus musicienne de toutes, qui sait interpréter avec tant de grâce les thèmes de Tom Jobim et situer sur un même plan de finesse et de délicatesse le jeu de ses cordes vocales et celles de son violão. Je crois que ses interprétations sont ce qui peut s'écouter de plus abouti quant aux spécificités révendiquées de la bossa nova : douceur, précision, sensualité, nuance, tristesse aérienne, frisson sonore... Personne n'a mieux chanté le " Samba de uma nota so" ou "Por toda a minha vida". Elle est la bossa nova jusqu'au bout de ses ongles de guitariste.
Et enfin, comment ne pas l'évoquer même si elle va au-delà de la bossa et de la musique elle-même ( comme toute vraie chanteuse!), Elis Regina reste celle qui peut le plus facilement égratigner nos coeur de sa voix déchirée. Même dans les murmures elle conserve cette violence magnifique qui a bouleversé pour toujours le panorama de la musique populaire brésilienne (MPB).
Son album avec Tom Jobim est un bijou. Un objet parfait qui mêle à la subtilité des arrangements musicaux, l'intensité des émotions libérées par Elis...
"... por que foste o que tinha de ser"
" parce que tu a été ce qui devait être"
2 commentaires:
Oui, Saint Sébastien, il n'y a pas de doute : si le blues est la musique de l'homme qui se lamente de sa triste condition mortelle et l'absurdité de son existence, la Bossa Nova, elle, chante le souvenir mélancolique des paradis définitivement perdus... Tout est dans cette subtile différence !
Merci Arnaud pour ta lecture, ton message et ta bossa nova attitude!
au plaisir de te croiser à nouveau sur ce blog.
Enregistrer un commentaire