dimanche 19 octobre 2008

LA VEUVE DE L'ECRIVAIN ET LE MASSEUR CUBAIN

Voici une anecdote savoureuse que m'a livré un jeune cubain de passage à Buenos-Aires, dont la trajectoire chaotique et romanesque mériterait à elle seule un récit. Au moment où je le rencontre, il vit donc dans la capitale argentine et travaille dans un institut de beauté et soin du corps trés chic du non moins chic quartier de Recoleta, en attendant de reprendre ses études de médecine. On lui annonce la venue d'une cliente habituée, à laquelle il doit pratiquer un de ces massages assistés d'une machinerie subtile qui produirait une action thermo-électrique (?) sensée réduire la graisse ou la cellulite. La cliente en question est la veuve d'un illustre auteur argentin décédé et jouit d'une redoutable réputation de harpie pseudo-littéraire surveillant l'héritage et la mémoire du défunt époux. Le joli cubain la reconnaît aussitôt pour avoir vu de nombreux documentaires sur l'écrivain dans son lycée d'élite de Santa Clara. Cependant par tact professionnel et esprit de malice, il fait mine de ne rien laisser paraître et dissimule l'excitation d'avoir à palper et caresser le même corps de femme que l'écrivain qu'il admire ( si tant est que ce corps fut touché par le si littéraire époux). C'est la noble veuve qui, une fois constaté l'accent typique du nuevo chico, engage la conversation sur la littérature cubaine. Rapidement celui-ci, cultivé et brillant au délà des sciences anatomiques, en vient à la littérature argentine et fait l'éloge de l'écrivain disparu, toujours sans interroger la dame sur ses liens avec celui-ci. "Il y a un poème de lui que j'ai appris en anglais mais je n'en connais pas la version en espagnol" Et le voilà qui sur la demande de la veuve, se met à lui réciter l'opus en question tout en massant vigoureusement les fesses de celle-ci avec l'engin décrit plus haut. A ce stade-là l'anecdocte me semble suffisamment savoureuse. Un exilé cubain de vingt ans, scandant en anglais les vers du poète d'honneur de la ville où il transite tout en administrant un palpé roulé à la veuve égérie... je savoure! Mais voilà que l'héritière imperturbable interrompt la pieuse récitation pour signifier que ce poème est un inédit de Borges qu'elle recherche depuis longtemps! Elle se redresse, cachant avec une serviette sa nudité sexagénaire au cubanito et lui enjoint de consigner sur une feuille les vers que celui-ci a appris par coeur en anglais dans son île communiste, par pure aficion! Le poème sera retranscrit sur un feuille de soins de l'institut grâce à l'impeccable mémoire du joli masseur qui lacha la machine aspirer la cellulite pour une plume plus inspirée. La veuve quitta réjouie sa séance de massage avec le soin de remercier ce garçon providentiel, non pas d'un conséquent pourboire, mais de toute la gratitude littéraire qu'il était en droit d'espérer.
Je tiens ce petit récit de la bouche du cubain lui-même qui travaille aujourd'hui dans un institut dentaire à Miami et prétend revenir le plus tôt possible dans la ville pleine de ferveur, où rodent parmi les ruines circulaires, des tigres albinos et des veuves féroces...







1 commentaire:

Alain Chedeville a dit…

Une pure délice!
Mauricio