dimanche 18 janvier 2009

LE DESESPOIR DES SINGES ET AUTRES BAGATELLES

Voilà un titre absolument digne de la mélancolie raffinée de Françoise Hardy que celui qu’elle donne à son autobiographie qui est en tête des ventes en France. Le désespoir des singes, c’est un arbre tropical fragile et épineux auquel nul ne peut grimper, métaphore des hommes de la vie de la chanteuse, insaisissables et inaccessibles. Les bagatelles sont les multiples anecdotes sur la famille, les amours, le milieu musical et artistique que l’éternelle adolescente boudeuse a récolté en plus de quarante de métier. Chacune de ces anecdotes permet de servir des réflexions douces-amères sur la vie, les êtres, les destinées, toutes traversées et soutenues par la morale à la fois fataliste ( théories astrologiques) et sceptique ( libre arbitre de l’artiste face au hasard) que Françoise Hardy en chanteuse « inspirée » au sens le plus transcendantal du terme applique à chaque événement.

Le livre est passionnant pour l’amateur de chansons ! Il retrace en effet les étapes de la carrière d’une artiste compliquée et souvent insatisfaite mais dont l’exigence professionnelle et le grand sens mélodique lui ont permis de créer de vraies perles dans cet univers falsifié du vedettariat.Il est étonnant de voir à quels combats artistiques la jeune Hardy a dû se livrer pour obtenir les arrangements et les mixages rêvés et combien de fois elle a échoué au point de ne plus pouvoir écouter des chansonnettes qu’elle estime gâchées alors qu’elles nous enchantent !

Pour l’aspect autobiographique il y a de quoi satisfaire les amateurs de drames pathétiques, et rebondissements sensationnels. Famille tordue (comme toutes), amours torturées et illusoires ( qui n’en n’a pas connues!), amitiés surprenantes et complexes (comme on les aime…) on trouve de tout chez Françoise et elle sait les analyser et les retourner dans tous les sens avec ironie et tendresse, parfois avec cruauté, parfois avec compassion, mais en gardant toujours ce regard plein de vitalité, cette attitude d’abandon et de non-résistance aux mouvements du temps qui est en fait une sorte de sagesse, de stoïcisme contemporain auquel elle nous invite.



Sur le plan de l’écriture, la lecture de l’ouvrage est aisée et toujours agréable. Une succession dynamique d’informations essentielles et de commentaires bien dilués donne un rythme et une fluidité à l’ensemble, comme dans une bonne chanson! La petite voix de l’interprète se fait bien entendre dans le choix minutieux des mots et le trottinement intelligent et musical des phrases. Je regrette cependant certaines ellipses, voulues au nom du respect de l’intimité, ou des silences (au nom de l’économie de l’œuvre ou de choix narratifs) sur certains aspects de cette existence. Ainsi suis-je toujours curieux d’une analyse plus précise de ce basculement vertigineux de l’anonymat à la gloire qui fut fulgurant pour l’adolescente qui vendit en 6 mois un million de 45 tours.
De même les confidences sur sa relation avec Dutronc ou d’autres, s’arrêtent toujours au bord de l’impudeur là où une Annie Ernaux aurait été creusé avec une implacable indécence. Mais la so chic Hardy a le sens des jardins secrets, ce qui est rare à notre époque, alors on aurait aimé voir comment ses belles qualités d’écrivain auraient exploré avec plus d’audace et de détermination un terrain qu’elle a préféré préservé au nom du respect pour les êtres chers.
Itinéraire d’une vie singulière, chronique artistique très riche, réflexion lucide et apaisante sur l’existence, l’œuvre est un peu de tout cela et « tant de belles choses encore »…


1 commentaire:

Jarvis a dit…

Belle femme!