vendredi 21 novembre 2008

UN VISAGE OUBLIE

Je me souviens de Pierre Clémenti, cet acteur-réalisateur des années 60 et 70, jeune premier romantique et écorché vif venu battre des ailes dans les lumières des projecteurs d'un cinéma indépendant. (C'est le réceptionniste d'un hôtel de Cordoba croisé lors de mes dernières vacances et qui lui ressemblait étrangément qui a réveillé en moi le souvenir de ce comédien hors normes!) Clémenti eut une carrière en Italie, très prestigieuse, il tourna avec tous les grands dont Pasolini qui en fit le protagoniste de Porcile, un de ses films qui me plaît le moins sur une bizarre histoire d'hommes transformés en cochon à laquelle je n'ai rien compris! Or on voit bien que le Clémenti n'a rien à voir avec le cochon mais plutôt avec un genre de félin à la fois tendre et redoutable, en tout cas irrésistible. La caméra ne s'y est pas trompée!

Son visage de héros romantique m'est d'abord apparu dans Benjamin ou les mémoires d'un puceau, film libertin de Michel Deville qui marqua mon souvenir d'enfant d'une aura de sensualité très 18ème siècle. Plus tard j'appris à subir le charme de cet acteur au magnétisme inquiètant dans Belle du jour de Buñuel en client pervers d'une Deneuve immaculée même dans la prostitution.



Extrait de Belle du jour de Luis Buñuel
http://www.youtube.com/watch?v=XKIIeobc2Cg




Je découvre dernièrement qu'il a son petit rôle dans Le Guépard de Visconti (voir article). Son nom a toujours suscité une curiosité trouble chez moi... Quel était ce Pierrot lunaire et décadent, ce Lorenzaccio moderne frayant avec tous les extrêmes, au bord de la folie, rôdeur de zones troubles, ange de l'underground et enfin poète cinéaste qu'il me reste à découvrir. Je l'ai vu dans très peu d'oeuvres, je ne sais rien de lui, mais il m'intrigue et m'inquiète, ce qui est la qualité majeure attendue d'un artiste en somme.



Je me souviens de Pierre Clémenti, vu sur la scène de l'opéra d'Avignon en 1989, dans la mise en scène que Gérard Gélas fit de "Marat-Sade" de Peter Weir. Il est question des derniers mois de vie du divin Marquis à l'asile de Charenton après la révolution française. Sade y écrit une pièce sur l'assassinat de Marat par Charlotte Cordet et la fait réprésenter par les malades mentaux eux-mêmes, histoire de fous ou folie de l'histoire?

Je revois Pierre Clémenti peu avant sa mort, blafard maigre, nu dans sa baignoire avec un linge blanc noué au-dessus des ses yeux sombres. On disait qu'il avait rendu le travail impossible à la troupe avec ses crises et ses caprices. L'astre était en voie d'extinction, mais comme il avait su briller!



1 commentaire:

Patrick Mandon a dit…

Pierre Clémenti n'était pas inquiétant, au contraire, mais il est vrai qu'il était "félin”, pour reprendre votre mot. Son teint pâle, ses pommettes hautes, ses joues creuses, ses cheveux de jais, ses gestes rapides, ses yeux enflammés, en faisaient un prince de la nuit, à Saint-Germain-des-prés. Vous trouverez un bref hommage chez Joël, à l'adresse suivante : http://lacrevaison.blogspot.com/
Il ne s'est jamais contenté de paraître, mais s'est montré exigeant dans ses choix artistiques. Je l'ai croisé deux ou trois fois ; l'époque, sa propre personne et les circonstances se prêtaient à l'échange. Je vous recommande le film “Les Idoles”, de Marc'O ; il y est un des brillants sujets de la troupe à laquelle il appartenait (le film a vieilli à la manière d'un bon vin). Il faut se souvenir de Pierre Clémenti, de son beau visage, de ses lèvres gonflées, de son corps maigre toujours en mouvement.