

un extrait volé du concert à Buenos-Aires
http://www.youtube.com/watch?v=jQxUH0wPUN8
Gal dans sa splendeur tropicaliste avec Tom Jobim au piano


un extrait volé du concert à Buenos-Aires
http://www.youtube.com/watch?v=jQxUH0wPUN8
Gal dans sa splendeur tropicaliste avec Tom Jobim au piano
Non ce n'est pas une canonisation nouvelle en provenance de cette île ravagée par un totalitarisme obsolète et moribond! Mais plutôt une "beartification" de la belle Emmanuelle, la Fidèle à la vraie liberté de mouvoir son corps et de faire voyager nos pensées les plus émancipées! La Béart, belle et béante dans un livre de photos de Sylvie Lancrenon qui semble fait pour nous faire transpirer et défaillir comme le vrai soleil caraïbe. L'actrice s'y livre, s'y libère, s'y offre avec une générosité qui n'est pas que charnelle. Cette manière de se donner et de faire de son corps une baie (non pas aux cochons!) mais à tous les abordages érotiques me semble le prolongement naturel, voire le principe même de son métier d'actrice et de son essence, j'allais dire féminine, mais je rectifie, humaine tout simplement. Le nu, quand il découle d'une anatomie aussi favorisée par la nature, où se lit la santé, l'harmonie (même aidée par les bistouris!), la sensualité à fleur de peau, me semble devoir faire l'objet d'un culte le plus massif. (pas de mauvais jeu de mot ici, please!).C'est un gros coup publicitaire certes, mais il est aussi un éloge de la femme de quarante ans, de l'intimité érigée en valeur absolue quand elle est cultivée avec douceur, langueur et délicatesse.
Revu le film de Schlondorff "Un amour de Swann" que j'avais découvert il y a vingt ans sans avoir lu la "miniature géante" qu'est ce récit digressif incrusté dans La recherche. Evidemment la connaissance de l'oeuvre permet de savourer le film dans ses moindres détails et de voir comment les brillants scénaristes Jean-Claude Carrière et Peter Brook ont cherché non seulement à transcrire cette narration de l' amour malheureux d'un dandy pour une cocotte mais aussi à donner à l'ensemble une dimension véritablement proustienne en enrichissant l'épisode Swann/Odette de subtiles références au reste de l'oeuvre et à la propre existence de Proust. Ainsi Swann qui nous est montré tout au début dans son lit en train d'écrire devient-il dans le film, un double parfait du narrateur-auteur, éternel alité occupé à son manuscrit et méditant sur ses peines de coeur. Le parcours de Swann, snob et paria, qui pourrait être le père spirituel du narrateur, préfigure les amours douloureuses pour Gilberte ou Albertine, que le désir d'exclusivité et la jalousie consécutive rendront impossibles. Jérémy Irons est absolument crédible dans ce rôle avec son élégance anglaise et ses émotions rentrées qui soudain explosent dans ces scènes d'hystérie. Ornella Muti resplendissante en Odette apporte sa présence charnelle hypnotique et un faux air d'ingénue qui convient à la duplicité de la demi-mondaine. De plus elle a vraiment ce charme renaissance de la Zéphora de Botticelli qui a permis à Swann de cristalliser sa passion sur une femme "qui n'était même pas son genre". 


C’est le hongrois Brassaï, photographe célèbre et proustien passionné, qui dans son essai « Proust et la photographie » a le premier souligné la place prépondérante de cet art dans la vie et l’œuvre de l'écrivain. Comme les tableaux, les photographies font l’objet d’une tradition familiale et Proust n’aura de cesse de les collectionner soigneusement dans des albums qu’il consultait et montrait à tous ses proches avec une insistance parfois pénible. Il avait pour manie d’en réclamer compulsivement à ses amis, d’en échanger et d’en obtenir toujours de nouvelles. En effet posséder la photographie des êtres aimés jouaient chez lui un rôle de substitut à leur absence et de support fétichiste à une adoration contemplative qui seule calmait ses angoisses. Voir des êtres de rêves, empêcher les autres de les regarder, admirer jusqu’à l’extase… tout cela devient possible grâce au papier photographique qui capture les belles et en fait de sublimes prisonnières. Il est d’ailleurs amusant de constater à quel point le vocabulaire de la photographie correspond aux grandes obsessions de l’auteur : chambre noire où l’on attend le baiser de maman et où l’œuvre s’écrit, instantanés des émotions et des êtres que l’on cherche à capturer, révélation du sens caché des choses par le biais de la mémoire involontaire que l’écrivain cherche à fixer dans ses métaphores, comme le photographe le fait avec ses images. Proust compare du reste son ouvrage à une espèce « d’instrument optique offert au lecteur afin de lui permettre de discerner, ce que sans le livre, il n’aurait peut-être pas vu par lui-même».
Brassaï analyse avec soin les occurrences du thème photographique dans La recherche et en arrive à la conclusion que la plupart des grands moments dramatiques de la narration, tournent autour d’une photographie. Celle-ci catalyse la passion amoureuse comme c’est le cas pour les portraits de Gilberte, la duchesse de Guermantes ou Albertine, portraits que le narrateur brûle de posséder car ils immortalisent des êtres de rêves et alimentent son érotomanie mieux que les modèles vivants. Cette relation de fétichisme avec le support photographique trouve son sommet dans l’œuvre, avec la fameuse scène de Montjouvain qui révèle à quel point le sadisme et le voyeurisme sont des thèmes centraux de l’œuvre. Il est question dans cette scène située dans la première partie de l’œuvre « Du côté de chez Swann », de la fille du musicien Vinteuil qui reçoit chez elle sa maîtresse et s’adonne avec celle-ci à un jeu érotique. Pour atteindre l’extase, le rituel consiste à faire que sa compagne crache sur la photographie du père décédé, savamment disposée prés du sofa où elles s’ébattent. Scène indécente et terrible que le narrateur enfant observe par hasard et en cachette, devant la fenêtre de la chambre des filles, dans une position de voyeur absolu.
Cette pratique de voyeur sera ensuite une constante dans le récit : le narrateur observe, scrute, espionne avec indiscrétion et compulsion ses semblables qui sans le savoir prennent la pose devant lui pour l’éternité. Du voyeurisme à l’exhibitionnisme, le pas est vite franchi. Dans sa biographie sur Proust, Georges Painter raconte que celui-ci adorait exhiber à ses fréquentations les photographies de ses amies parmi les grandes dames parisiennes ou bien des membres de sa famille, et particulièrement parmi ses fréquentations, aux garçons du bordel pour homme d’Albert Cuzay ( le Jupien de La recherche) lesquels commentaient les photographies des êtres chers par des commentaires vulgaires et dégradants, répétant ainsi la scène de profanation de Montjouvain.




Cher Jeannot

Une bulle de nostalgie pop et acidulée. Le premier album de Lio fut aussi le premier album que l'on m'offrit pour Noêl en 1980. J'avais huit ans et Lio à peine dix de plus mais qu'importe, une grande d'histoire d'amour commençait! Qu'est-ce qui m'avait conduit jusqu'à elle? Non pas le goût du banana split, plaisir exotique dont j'ignorais l'existence et le nom, mais plutôt ses mélodies dépressives comme "Amoureux solitaires" ou "Si belle et inutile" qui sont de la pure bijouterie musicale sertie par le talent du parolier Jacques Duvall. "La petite amazone" est aussi une ballade mystérieuse et sombre où les claviers synthétiques de la new-wawe française tissent une toile onirique où brillent des vers pleins de poésie suggestive. Je dirais même qu'une certaine philosophie esthétisante et désabusée, mais non exempte d'ironie et de pétillance, transpire de tout cet album qui a sûrement eu une grande influence sur le développement de ma personnalité...( cf. ce blog!)

J’entame ici une escapade dans l’univers de Marcel Proust et les peintres qui l’ont inspiré et dont on trouve la trace autant dans sa vie que dans La recherche. Plus de 250 peintres sont cités dans l’ouvrage ! Jamais romancier n’avait assigné pareille importance à l’univers pictural au point de faire de ce roman autobiographique, un véritable document de critique d’art. Vermeer, Rembrandt, pour les flamands, Giotto, Carpaccio, Botticelli pour les italiens, les références parsèment la narration et donnent lieu à de longues digressions admirables qui ont permis aux contemporains de Proust de repenser leurs références à une époque où l’expressionnisme puis le cubisme viennent tout bousculer. En homme de la fin du siècle cultivant une passion pour les cathédrales romanes ou les aspects byzantins de Venise, l’avant-gardisme pour Proust se limitera à défendre les audaces des post-impressionnistes dont on aime à répéter parfois qu’il en est la traduction littéraire.



Un moment magique trois mois avant sa mort, the cold song from Purcell
"Let me, let me, let me freeze again to death"
http://www.youtube.com/watch?v=3hGpjsgquqw&feature=related
Et le Nomi diva punk délirant! http://www.youtube.com/watch?v=uKYpepxGkyY

Au Québec c'est une reine dont tous les fans de mon espèce se disputent l'amour exclusif. En France, elle jouit d'un statut plus mystérieux et moins hystérique. On la connaît, même si on la confond avec d'autres Diane, alors qu'elle est hors catégorie. Non, Diane Dufresne n'est pas reine de France, elle fait trop peur aux goûts du petit français qui préfère les chanteuses populaires lisses et vernissées. Car Diane, c'est de la dynamite, de l'hélium dangereux, un oxygène trop pur qui monte à la tête et donne le vertige. La voix tout d'abord, est hors norme, inouïe au sens le plus strict du terme. Ténébreuse ou céleste, elle fusionne avec le cri ou le râle, le murmure ou le contre-ut selon les émotions et les exigences de la musique. Visuellement la Dufresne est aussi un monstre sacré, diva ou rock star, glamoureuse ou bizarre, classieuse ou clocharde délurée, elle est une métamorphose ambulante et sait offrir à son public le faste, l'inédit, l'énorme et le sublime dont il s'alimente. Enfin le répertoire, réaliste, poétique, drôle, engagé, profond ou ludique, avec de grandes signatures de la chanson (Plamondon, Jonaz, Rivat et elle-même depuis dix ans) mis en musique par des artistes de tous horizons et de tous genres. Phénomène de scène ( je l'ai vue cinq fois et me désespère de perdre son show aux Bouffes du Nord en novembre...) elle est d'un professionnalisme impressionnant et propose à son public un immense don d'elle-même avec un respect qui émeut.
Voilà pour le dithyrambe et maintenant le souvenir particulier qui me lie à la Diane québecquoise. C'était il y a une décennie, je passais une période de ma vie professionnelle en Creuse ( idée absurde dont je n'étais pas responsable évidemment) et je me revois au coin du feu de la petite batisse rurale où je crèchais, en un mois de janvier couvert de neige. J'étais allé voir pour les fêtes de fin d'année la Dufresne à Paris, aux théâtres des Bouffes Parisiennes. Dans ce nid rococo à moitié déserté par le public, Diane chantait sa vie, son parcours de star et d'ermite dans des tenues de carton ou de tulle. J'avais fait antichambre longtemps pour la saluer au sortir de sa loge comme une bonne midinette qui se respecte quant un petit monsieur passa devant moi et s'engouffra sans problème par la petite porte derrière laquelle s'abritait la diva : c'était Nougaro. Un agent de la chanteuse m'informa qu'ils allaient manger ensemble et que le théâtre fermait : c'est par ici la sortie! Je regagnai dépité ma Creuse profonde et ses pâturages blafards non sans laisser à la réception du théâtre une lettre d'éloges et de remerciements à la dame (oui je suis un aficionado absolu et ridicule comme on en fait plus). Et pourtant, une semaine plus tard, toujours sous les neiges de la Creuse éternelle, j'eus le bonheur de recevoir une carte autographe de madame Dufresne avec un dessin original et un mot de remerciement personnalisé! Ma joie fut si rayonnante que je crois que le dégel commença ce jour-là! Tout cela à cause d'une voix et des EFFUSIONS dans lesquelles elle me jette! 
http://www.postedecoute.ca/catalogue/album/diane-dufresne-effusions
Et parmi ce qu'elle a fait de plus grandiose et de plus fou "Le parc Belmont"
http://www.youtube.com/watch?v=g4kZjwfnKTU
Une touche féminine et nostalgique dans le blog et la nuit brésilienne. Souvenir d'une rencontre insolite et charmante avec Anna Mouglalis au festival de cinéma de Rio de Janeiro il y a cinq ans déjà, alors qu'elle était une débutante sur la toile et sur les passerelles de Chanel. On m'avait présenté à elle par hasard, alors que je venais de la découvrir une semaine auparavant dans le film "Merci pour le chocolat" de Chabrol. On discute, on sympathise et on se retrouve au premier balcon du ciné-théâtre Odéon à minuit. On parle de voyages, de cinéma, d'hypokhâgne et de plages!... Puis attraction! (Non je parle de l'attraction avant le film comme au bon vieux temps de "la dernière séance"!) Un numéro de drag king black new-yorkaise qui offre un strip-tease transgenre : un roi racaille du ghetto qui danse et se fout en tenue d'Eve! Trouble in the gender! Anna rit, elle est fatiguée... elle reste encore une heure à papoter alors que sur l'écran défilent les images d'un docu sur les drags masculines USA. La nuit vire au malaise et le sommeil nous gagne. Je la raccompagne sur la place de Cinélandia où traînent les garçons qui se prostituent. J'appelle un taxi pour qu'il la raccompagne à son hôtel, le Copacabana Palace évidemment. On promet de se revoir à Paris où je vais si peu, à Rio où elle n'aura rien à faire et d'où je partirai moi-même bientôt. Je la retrouverai sur les écrans en Simone de Beauvoir superbe et écorchée ou dans des films d'auteur pas vraiment à la hauteur. Mais que cette fille a de l'ALLURE! et quelle voix irrésistible, et ce phrasé comme on en fait plus. Je suis rentré seul à pieds en traversant les rues sordides de Lapa : les travestis, féminins cette fois, semblaient échappés d'un autre film, assez vulgaire et râcoleur! Qu'importe j'aurai eu ma nuit avec la Mouglalis, à Rio, entre glamour et trash, il était une fois...


Il me semble que cette collection d'art constitue un fragment sanglant de la mémoire de ce pays, principalement présentée à Cordoba où la répression et la persécution furent trés marquées. Dans les rues de la cité on peut trouver aussi "le passage de la mémoire", où des portraits de jeunes disparus sont suspendus le long du mur de la cathédrâle avec des tags accusateurs qui ne sont pas sans rappeler lesdénonciations des horreurs européennes lors de la seconde guerre mondiale. De l'esthétique du martyre d'Alonso, au happening militant de la rue, c'est le même cri de la révolte et du refus de l'oubli qui se fait entendre...un cri que je n'ai pas voulu entendre moi-même en décrochant ce tableau de mon cadre de vie personnel et que j'avais mis au placard... avant qu'il ne retentisse dans un hurlement magnifique, au musée. 
Photographe d'origine colombienne je l'ai découvert à Bogota dans une librairie d'art. Son album Torero propose des portraits de jeunes toreros sud américains qui se sont prêtés au jeu de ce grand photographe de mode lequel a cherché à mettre en relief l'aspect haute-couture de la parure et la posture tauromachiques. Le résultat est spectaculaire: force, sensualité, violence théâtralisée, attitudes hiératiques où féminité brute et virilité raffinée vivent des noces inattendues. Un autre album Sombra décline en noir, blanc, sépia, doré, les vertiges du corps nu, notamment celui de danseurs dans des mises en scènes dépouillées, tantôt funèbres, tantôt incandescentes. Je ne peux dissocier les sombres atmosphères d'Afanador et son érotisme inquiet de ma propre période colombienne avec La virgen de los sicarios, le roman choc de Vallejo, les rues de Medellin et le visage au sourire irrésistible d'un jeune minotaure sentimental.



C'est avec cette formule tirée d'un poème de Frida Kahlo ("pourquoi avoir des pieds si j'ai des yeux pour voler") que la photographe mexicaine Graciela Iturbide présente sa magnifique anthologie et son exposition au centre culturel de Recoleta à BsAS (en Août 2008). Son oeuvre est fascinante! L'animal vivant, mort, endormi, envolé y prédomine souvent, croisant les objets abandonnés, côtoyant l'homme masqué ou révélé dans des paysages désertiques ou le long de pans de mur. Traces de sang, rides, grimaces, blessures, empreintes et sillages troublants, tout est en écorché vif ou à fleur de peau. On songe au réalisme magique et torturé d' Horacio Quiroga, aux fantômes effarés de Juan Rulfo. Il n'est pas une image d'Iturbide qui ne laisse insensible. Son nom d'ailleurs dans ses sonorités si suggestives, résume l'essence de son art: grâce et turpitude, dans un permanent et désespérant aller retour.