Il n'est jamais trop tard pour découvrir le Bartleby de Herman Melville. Ce scribe-copiste dans un bureau de notaire à Londres en 1856 donnait satisfaction à son patron jusqu'au jour où sans prévenir il opposa un refus face au travail et à tous les autres types d'obligations sociales, pour devenir la figure énigmatique d'un homme-négation, imperturbable comme un roc.
Son " je préférerais pas" déclenche tout un processus de renoncement, refus de compromission avec le monde, rejet des devoirs qui nous aliènent, retrait de l'ordre du vivant. C'est le détachement suprême dans une formule au conditionnel qui écrase tous les conditionnements. Bartleby est un héros tranquille et discret, qui oppose la force désarmante de sa préférence négative à un monde trop avide de copies, d'êtres en série, de modes de vies répétitifs et reproduits aveuglément.
Le narrateur, autre héros malheureux d'une humanité désemparée et soucieuse d'autrui, en fait les frais. Et la perplexité et la détresse dans lesquelles le jette le petit scribe inflexible réfugié dans son "I would prefer not to", deviennent aussi celles du lecteur. La petite voix imperturbable de Bartleby commence à murmurer en nous et elle ne cessera de grandir entre cri de rage anarchiste ou soupir de grande indifférence à tout.
Ce chef d'oeuvre perturbant a son club de fanatiques , inconditionnels, dans lequel j'aurais préféré ne pas...
"Je préférerais qu'on me laisse tranquille ici."
Images extraites du téléfilm Bartleby réalisé par Maurice Ronet
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire