"Toute passion abolie", voilà un titre qui ne peut que séduire le lecteur cherchant à se plonger dans un roman sensible et réflexif. Son auteure Vita Sackville-West est une figure littéraire de l'Angleterre de la première moitié du XXème siècle, poéte et romancière, qui inspira à Virginia Woolf une passion amoureuse et son "Orlando".
Comment un récit qui est consacré aux derniers mois d'une vieille Milady anglaise, veuve et refugiée dans une villa de Province, peut-il se révéler aussi passionnant? Justement parce qu'il offre un point de vue sur l'existence marqué par le détachement et la félicité du sage épicurien de Lucrèce ( Suave est mari magno..."). Repliée sur les hauteurs d'une solitude apaisée et méditative, Lady Slane contemple sa vie plus ou moins ratée, jouit des derniers éclats d'un présent simplifié et recompose son destin avec une lucidité sereine à l'égard de tout.
"Et qu'avait-elle été exactement? se demanda la très vieille dame se souvenant de la jeune fille d'autrefois. Cette rêverie était le plus doux, le plus nostalgique des passe-temps. Ce n'était pas mélancolique, non, c'était plutôt son dernier luxe, le luxe suprême, celui qu'elle avait attendu toute sa vie. Dans ce bref répit avant la mort, le temps était venu de se laisser aller totalement. Après tout elle n'avait rien d'autre à faire. Adossée à sa mort, elle pouvait enfin contempler sa vie. Et pendant ce temps-là, l'air vibrait du bruissement des abeilles."
Greta Garbo par Cecil BEATON
Le personnage secondaire M.Fitz Georges, est un vieux collectionneur excentrique et solitaire qui vient révéler à Lady Slane un secret du passé la concernant et lui lancer un dernier défi avant de disparaîte dans la nuit. Cette figure d'esthète et d'ermite farfelu, participe aussi de la belle réflexion de la romancière sur la place du Beau dans l'existence et sur les exigences, suivies ou non, des vocations artistiques.
"Il souhaitait vivement qu'on le laissât seul, à l'écart de la vie quotidienne, isolé dans son monde personnel, avec ses objets d'art comme seuls compagnons. C'était la forme que prenait sa spiritualité, le besoin de contemplation qui l'animait."
Ce roman est baigné d'une atmosphère crépusculaire et paisible qui doit être celle qu'on imagine trouver dans un jardin anglais à l'automne. Pas étonnant que Vita ait été une grande jardinière durant toute sa vie. Le jardinage et la littérature, deux passions anglaises jamais définitivement abolies.
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