En me procurant la biographie de Madeleine Castaing par Jean-Noël Liaut, je comptais lire les aventures d'une femme de goût, d'une affranchie en avance sur son temps, d'une artiste authentique. C'était elle le mécène inspiré de Soutine ( qu'elle accapara, exploita et abandonna), l'amie raffinée de Louise de Vilmorin et de Jean Cocteau ( qu'elle amusa et lassa), la fine compagnie du five o'clock tea que recherchaient Sagan, Malraux ou Jouhandeau...
Il suffit en fait de quelques chapitres évoquant les débuts de cette jeune fille de bonne famille délurée pour deviner quel monstre d'égoïsme va naître de ce personnage-là. Mariée à la sauvette à quinze ans à un Marcellin dont elle fera le principal banquier de ses onéreux caprices et qu'elle érigera en grande passion de sa vie ( après elle-même et l'argent), on voit vite apparaître la mondaine ambitieuse et blasée sous les grands chapeaux de roseaux, obsédée par sa gloriole personnelle, cultivant une vanité furieuse sous des dehors de crises de fantaisie et d'insolence factice. La suite de cette biographie qui s'évertue en vain à nous faire aimer cette héroïne sans vertus et qui ne peut éviter de révéler ses failles et ses noirceurs en dit long... le livre m'en tombait des mains de répulsion.
Opportuniste à en crever et dévorée d'ambition, elle voulut être de toutes les fêtes et surfer sur toutes les modes pour décrocher tous les pompons dont elle s'entichait régulièrement ( les années folles, Montparnasse, Saint-Germain des Prés etc...). Entourée d'amis intimes particulièrement tordus, torturées ou tortionnaires ( Maurice Sachs, cet infâme, la pauvre Violette Leduc, et le jeune François-Marie Bannier déjà à ses bonnes oeuvres avec sa première vieillarde dorée), elle est l'incarnation d'un vide intérieur maladif, qu'elle s'acharnera à meubler de rencontres intéressées, d'opérations commerciales douteuses, de divertissements vains, coûteux et anecdotiques sensés alimenter sa légende de grande extravagante, amie des arts et des gens de goût.
Elle est en fait la pseudo-artiste par excellence, la bourgeoise près de ses sous et de ses meubles baignant dans un vernis poétique et toc qui va s'écaillant inexorablement. Il faut toujours se méfier des collectionneurs et des marchands, des courtisans et des parasites, des originaux et des infatués: la Castaing était tout cela est bien pire encore. Mais elle amusait, étonnait, choquait, animait les bals du siècle et alimentait par ses frasques la chronique mondaine qui pardonne tout aux impertinents et aux clowns artistiquement grimés. Bagatelles!
Les clichés qui suivent illustrent malgré tout un certain style Castaing de qualité qui a indéniablement marqué une époque et qui semble être tout ce qu'on puisse sauver de cette triste dame. Il faut bien de temps en temps que les artficiers éblouissent pour se faire une place dans la ville lumière. Mais qui peut vivre plus de quelques jours dans des décors aux moquettes panthère, encombrés de meubles Second empire, de porcelaine de Saxe et de tapisseries de vieilles tantes anglaises?Elle sut mettre tout son talent dans ses maisons et sa conversation... oeuvres éphémères promises à la ruine et à l'oubli et qui ne sont destinées qu'à charmer ou à flatter. Certain diront, parodiant Wilde, qu'elle mit tout son génie dans sa vie. Les dessous de sa biographie suggèrent que ce génie était souvent mauvais. Et les gens qui n'aiment que les bibelots finissent par en devenir un, dans ce cas de type mallarméen :" Aboli bibelot d'inanité sonore."
1 commentaire:
Un portrait d'une étonnante lucidité! en fait, la description du ou de la psychopathe : toute en artifice, collectionneuse, superficielle, nonobstant brillante (ça peut se dire nonobstant?) bravo, bien vu, ce qui prouve que vous avez "du coeur", vous!
Enregistrer un commentaire